LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

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Feuille-de-henné

Il était une fois, un paysan qui avait une fille unique, elle s’appelait Feuille-de-henné. La mère de cette dernière mourut alors que sa fille était encore enfant. Mais avant de décéder, elle mit tous ses bijoux dans un panier et l’accrocha assez haut sur le mur. Sur son lit de mort, elle fit promettre à son époux de ne se remarier que lorsque leur fille atteindrait le panier et serrait alors assez grande pour hériter de ses bijoux.

Après sa mort, une voisine venait chaque jour prendre soin de la jeune orpheline, elle s’occupait de sa toilette, préparait à manger, pour elle et pour son père, rangeait et astiquait leur maison. Elle espérait ainsi gagner la confiance de la fille et séduire son père par la même occasion. Chose réussie car la jeune fille, loin de se douter des calculs malsains de la voisine, s’attachait de plus en plus à cette mère de substitution.

Chaque jour, après son travail au champ, le père demandait à sa fille : « Qu’as-tu préparé de bon aujourd’hui ? ». Avec beaucoup d’enthousiasme, celle-ci lui répondait toujours,  non sans naïveté , :

- Ma tante nous a préparé le repas. Tu sais, père, cette femme s’occupe de moi comme si j’étais sa fille, elle me fait ma toilette, elle me coiffe, et elle m’aide à faire le ménage et la lessive. Père, cette femme est si gentille, pourquoi ne l’épouses-tu pas ? 

Et le père répondait toujours :

- Oui, elle est vraiment gentille cette dame, mais je ne pourrais l’épouser que lorsque tu atteindras le panier à bijoux. J’ai promis cela à ta mère sur son lit de mort.

Les jours et les mois passaient, la voisine qui continuait toujours à s’occuper de la jeune orpheline, elle commençait aussi à s’impatienter. Ses efforts n’aboutissaient pas, le père semblait indifférent à tout ce qu’elle entreprenait. Alors, lassée de l’indifférence du paysan, elle demanda à la jeune fille :

- Dis-moi ma fille, pourquoi ton père ne se remarie-t-il pas ?

- Ma mère lui a fait promettre, sur son lit de mort, de ne se marier que lorsque j’atteindrai ce panier-ci. (Et elle indiqua du doigt le fameux panier).

La voisine comprenait enfin le silence du paysan. Elle rentra chez elle, décidée de donner un sérieux coup de main au destin :

- C’est donc ainsi que les choses vont, tu verras demain, sale petit vermine, ce dont je suis capable.

Le lendemain, elle rapprocha le lit du mur sur lequel était accroché le panier, elle posa dessus quelques coussins, elle demanda à la fille de grimper dessus et de retirer le fameux panier. Lorsque le père rentra, la jeune fille, heureuse, lui montra le panier en s’exclamant :

- Alors, père, maintenant tu peux épouser notre gentille voisine qui m’aime tant !

Le père, tenté par l’idée du remariage, ne demanda pas à sa fille comment, malgré sa petite taille, elle a pu atteindre le panier. Il s’empressa de demander la main de sa voisine et l’épousa, au grand bonheur de sa fille. La voisine vint alors s’installer dans la maison du vieux paysan, ramenant avec elle sa fille, Aicha, qui avait l’âge de Feuille-de-henné mais qui, contrairement à elle, était laide, bête et gourmande. Très vite, le masque de la voisine tomba, sa vraie nature se révéla. Elle commença à maltraiter Feuille-de-henné, à lui infliger toutes les tâches ménagères pendant que elle et sa fille se la coulaient douce.

Un matin, après avoir astiquée la maison, Feuille-de-henné, comme à son habitude,  partit faire paître les chèvres dans la prairie. Elle rencontra une vieille femme très laide, à la peau fripée et aux cheveux sales et malcoiffés. Cette femme, sortie de nulle part, lui demanda gentiment, en se grattant la tête :

- Bonjour, ma fille, mes cheveux me grattent tellement, j’aimerai tellement que tu me les laves, que tu me les coiffes et que tu m’enlèves les poux.

- Je veux bien, mais qui me gardera mes chèvres pendant ce temps ?

- Ne t’inquiète pas, elles iront seules paître et elles reviendront au couché du soleil.

Rassurée, la jeune fille s’est mise à lui enlever les poux de la tête, elle lui mit du henné dans les cheveux, elle les lava et les coiffa. La vieille et l’orpheline passèrent la journée ensemble, elles bavardèrent longuement et sympathisèrent. Au couché du soleil, les chèvres revinrent, la vieille fit ses adieux à la jeune fille et lui dit :

- Ecoute moi bien, jeune fille, sur ton chemin, tu croiseras des puits qui parlent, le puits qui te dira « Viens ! Viens ! », ne t’en approche pas, par contre, celui qui te diras « Va-t-en ! Va-t-en ! », tu rentreras dedans, tu y trouveras une belle surprise.

La jeune marcha un moment lorsqu’elle entendit un puits l’inviter à y entrer. Elle ne l’écouta pas et poursuivit son chemin. Un instant après, elle entendit un autre puits lui hurler « Va-t- en ! », « Va-t-en ! ». Elle revint sur ses pas et entra dans le puits. Elle en sortit quelques temps après, couverte d’or, de perles et de rubis. Lorsqu’elle arriva à quelques mètres de la maison de son père, elle l’appela en ces termes :

- Ô père ! Viens à ma rencontre avec le chameau, le chamelier et le coffre à trésor !

- Pourquoi donc ? Que me ramènes-tu de si extraordinaire ma fille aujourd’hui, interrogea le père, amusé et curieux à la fois.

Il accourut pour aller à sa rencontra, sa femme et sa belle-fille le suivirent. Quel ne fut leur étonnement lorsqu’ils virent Feuille-de-henné, couverte d’or, de perles et de rubis. Ils interrogèrent la jeune fille sur leur provenance et elle leur raconta tout : sa rencontre avec la vieille femme, les puits qui parlent et la métamorphose qui résulta de son entrée dans le puits. 

Jalouse, la belle-mère, envoya, le lendemain sa propre fille, faire paître les chèvres. Elle lui conseilla de suivre l’exemple de Feuille-de-henné. Aicha alla dans la prairie, elle rencontra la vieille femme et fut dégoutée par son apparence crasseuse. Quand la vieille femme lui demanda de lui enlever les poux, elle répondit non sans insolence :

-  Quoi, t’enlever les poux ? Et puis quoi encore ? Tu rêves j’espère ! Non mais vous entendez, elle veut que je lui enlève ses poux, beurk !

Sur ce, la jeune fille continua son chemin, comme elle n’avait pas l’habitude de faire paître les chèvres, elle perdit la moitié du troupeau. Vers l’après-midi, alors qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle, la vieille femme réapparut et lui dit :

- Veux-tu avoir la même chose que Feuille-de-henné ? (La jeune fille fit oui de la tête). Alors écoute moi bien ma fille, quand tu entendras un puits te dire « Viens ! », « Viens ! », tu entreras dedans et tu en sortiras couvertes d’or, de perles et de rubis comme Feuille-de-henné.

Elle crut la vieille dame et s’introduisit dans le puits qui l’invita. Elle en sortit couverte de détritus et de vermines. Lorsqu’elle arriva chez elle, elle s’écria en sanglotant :

- Ô mère, viens à mon secours avec une aiguille, un ciseau et un encensoir !

Lorsque sa mère l’aperçut, elle la maudit et la traita de tous les noms :

- Maudite sois-tu ! D’où ramènes-tu ces horreurs ? L’autre est revenue couverte d’or, de perles et de rubis et toi, toi ma propre fille,  tu reviens couverte de détritus et de vermines ! Quelle idiote tu fais ! N’as-tu pas rencontré la vieille dame ? Ne lui as-tu pas enlevée les poux ? Ne lui as-tu pas coiffée ?

- Je n’ai rien fais de tel, c’est justement la vieille dame qui m’a conseillée d’entrer dans le puits et voilà comment j’en suis sortie.

Les jours passaient, la marâtre continuait à maltraiter Feuille-de-henné et à favoriser sa fille Aicha. Mais Feuille-de-henné résistait à l’injustice et à la dureté des tâches qui lui étaient imposées. La grande amitié qui la liait à la vieille dame, laquelle veillait inlassablement sur elle, égayait sa triste vite. La vieille dame lui remis un jour trois mèches de cheveux et lui demanda d’en brûler une à chaque fois qu’elle avait besoin d’elle.

En ville, une nouvelle extraordinaire mettait en effervescence l’ensemble du sultanat dans lequel vivait Feuille-de-henné, le Sultan mariait son fils unique. Tout le monde était invité à la cérémonie qui promettait d’être grandiose. Toutes les femmes se préparaient pour y apparaître élégantes. La marâtre, qui ne tenait pas à ce que Feuille-de-henné aille au mariage, réfléchissait au moyen de l’en empêcher. Le matin du mariage, elle mélangea dans une bassine, plusieurs types de céréales et lui demanda de les dissocier et de placer chaque type dans un récipient à part. Feuille-de-henné, qui voulait assister à cette cérémonie historique, fut très triste de constater que ce travail de tri allait l’empêcher d’y aller. Le soir, sa belle-mère et sa fille se sont parées de leurs plus beaux atours et se rendirent à la réception pendant que la jeune orpheline triait les céréales.

Après leur départ, Feuille-de-henné eut alors l’idée de brûler une mèche de cheveu que la vieille dame lui avait remise. Aussitôt fait, la vielle apparût. Feuille-de-henné lui apprit que sa belle-mère et sa fille sont partis au mariage du fils du Sultan, pendant que elle était chargée de dissocier les céréales que sa belle-mère avait intentionnellement mélangés. D’un geste, la vieille isola chaque type de céréale, puis elle habilla la jeune fille d’une magnifique robe, la couvrit de bijoux somptueux, lui mit des chaussures en or et lui donna un sac de pièce d’or avec pour consigne d’en verser le contenu sur le fils du Sultan. Feuille-de-henné, contente de sa transformation, monta sur le somptueux cheval que la vieille a mis à sa disposition et alla au mariage fils du Sultan.

Lorsqu’elle arriva à la cérémonie tout le monde était ébahi par sa beauté et son élégance. Le jeune marié arriva en fanfare, Feuille-de-henné s’approcha du cortège, versa sur le jeune prince les pièces d’or, sous le regard approbateur et admiratif de l’assistance. Elle remonta sur son cheval et rentra chez elle, mais dans sa précipitation, elle perdit une de ses chaussures. Le jeune prince éblouit par la beauté de la jeune fille en tomba fou amoureux. Il annula le mariage et demanda à ce qu’on retrouve la jeune fille « c’est elle que je veux épouser » ne cessait-il de répéter avant de tomber gravement malade. Ses proches essayaient de le raisonner :

- Mais nous ignorons qui elle est, si elle appartient au monde des hommes ou à celui des djinns ? 

- Peu importe, je la veux, trouvez la ! Elle a laissé derrière elle une de ses chaussures, trouvez sa propriétaire, je l’épouserais !

Le lendemain, on fit venir au palais une vieille femme qui reçut pour mission de retrouver la propriétaire de la chaussure en or. La vieille femme fit le tour du pays et ne trouva aucune jeune fille qui avait la même pointure que la fameuse chaussure. Elle se souvint que dans un village pas très loin, il y avait une maison qu’elle n’avait pas encore pénétrée. C’était la maison de Feuille-de-henné. Mais lorsque la belle-mère vit que la vieille messagère du Sultan se dirigeait vers leur maison, elle cacha Feuille-de-henné dans le four et l’y enferma. La messagère arriva et demanda :

- Bonjour madame, vous avez des filles ?

- J’en ai qu’une seule, entrez donc.

- Je suis envoyée par le Sultan pour retrouver la propriétaire de cette chaussure. Pouvez-vous appeler votre fille afin qu’elle essaie cette chaussure, si elle lui sied, elle épousera son fils, un charmant garçon.

Aux anges, la méchante belle-mère prit la chaussure, essaya en vain d’y introduire le vilain pied de sa fille .

-Aie ! Mère, tu m’as cassée le pied, arrête de t’obstiner, elle ne me sied pas et je n’en veux pas !

Mais la mère entêtée continuait toujours à malmener le pied de sa fille lorsque le coq se mit à crier :

- Cocorico, la belle est dans le four !

- Tais-toi donc, maudit animal ! hurla la belle-mère.

- Cocorico, la belle est dans le four ! Répéta le coq.

- Tu vas te taire sale bête !

- Attends, femme, laisse-moi entendre ce que ce coq a à dire.

- Cocorico, la belle est dans le four ! Répéta le coq.

La vielle femme alla vers le four, l’ouvrit et en sortit Feuille-de-henné

- Tu as une deuxième fille ? Pourquoi la caches-tu ?

- Je ne suis pas sa fille, je suis sa belle-fille, répondit Feuille-de-henné.

La vieille femme lui essaya la chaussure, sous le regard haineux et rempli de colère de la marâtre. Quelle ne fut la joie de la vieille en s’apercevant que la chaussure lui seyait à merveille. Elle courut annoncer la bonne nouvelle au Sultan. Celui-ci lui offrit une récompense généreuse.

Le lendemain, il mobilisa des soldats, un vizir et un cadi, pour aller chez le vieux paysan demander la main de sa fille. Lorsque le vieux aperçut la troupe se diriger vers lui, il eut peur et accourut s’enfermer chez lui !

- Les soldats du Sultan veulent m’arrêter. Qu’est-ce que j’ai pu faire ? Pourquoi sont-ils à ma  recherche ? Où me cacher ?

Le Sultan voyant le paysan apeuré, envoya un de ses soldats le rassurer.

- N’aie pas peur, le fils du Sultan veut ta fille en mariage et nous sommes là pour demander sa main.

- Ah bon ! J’ai cru que vous veniez m’arrêter, je me demandais ce que j’ai bien pu faire.

Le sultan et sa délégation entrèrent, ils demandèrent la main de la fille au vieux paysan. Le Sultan remis de l’argent au père de  la mariée. Celui-ci exigea comme dot, de l’or dont le poids est égal à celui de sa fille. Le Sultan accepta et ils profitèrent de la présence du cadi pour conclure le contrat de mariage et décidèrent que la cérémonie ait lieu le jeudi prochain. Puis ils prirent congé.

Le prince, en apprenant la bonne nouvelle, fut très heureux et il guérit de sa mystérieuse maladie.

- Mais, dit le sultan à son fils, je suis gêné vis-à-vis de mon frère, que faire de ta cousine ?

- Je la répudierai, tu sais bien père que je n’ai jamais voulu d’elle et que ce mariage était arrangé.

Après leur départ, le vieux paysan chargea sa femme de s’occuper de la toilette nuptiale de sa fille. Mais au lieu de préparer Feuille-de-henné, elle prépara sa propre fille, lui fit sa toilette, l’habilla, la maquilla et le fit asseoir sur le siège de la mariée. Feuille-de-henné, voyant que sa marâtre cherche à lui substituer sa fille, brûla la deuxième mèche de cheveux. La vieille apparut, elle lui fit une toilette digne d’une mariée et l’habilla somptueusement. Avant que le marié ne vienne, la vieille qui savait la gourmandise d’Aicha suscita sa gourmandise :

- Aicha, dans la cuisine il y a une marmite pleine de viande méchoui, en as-tu mangé ?

- Non, comment le saurais-je ? Ma mère m’a installée là sans rien me dire.

- Viens donc manger avant qu’elle ne refroidisse.

Elle courut vers la cuisine déguster la viande. Entre temps, la vieille fit asseoir Feuille-de-henné sur le siège destiné à la mariée. Le cortège qui conduisait le fils du Sultan arriva, le marié pris son épouse et repartit en fanfare. La belle-mère qui croyait que le prince prenait sa fille dit en sanglotant :

- Adieux Aicha ma fille que Dieu te garde… va je te bénis fille chérie.

- Ne me fais pas tes adieux mère, je suis toujours là, je suis dans la cuisine entrain de savourer  la viande méchoui… que c’est délicieux.

- Que Dieu te maudisse, idiote ! Je t’ai préparé pour prendre la place de Feuille-de-henné et toi tout ce que tu as trouvé de mieux c’est de manger de la viande !!! Sale petite… !!!

Le père entendit tout, il comprit alors combien cette femme qu’il croyait gentille et aimante était machiavélique. Il la répudia aussitôt. Le lendemain, il alla au palais rendre visite à sa fille. Le fils du Sultan ne le laissa pas repartir, il lui offrit une gite au palais afin qu’il soit proche de sa fille. Désormais, le vieux paysan côtoyait les princes et les vizirs et il oublia la difficulté de la vie rurale.

 

 

 

 



19/03/2014
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