I. Zéro théorie mais une conception empirique de l’enseignement/apprentissage
De l’antiquité à l’Ancien Régime, les enfants des familles aristocratiques recevaient un enseignement individualisé, par un précepteur (« maître qui enseigne »). A partir du XVIIe siècle naît ce qu’il est convenu d’appeler la « forme scolaire », matérialisée par un maître qui enseigne devant une classe regroupant des élèves. Cette forme scolaire, aujourd’hui généralisée à tous les pays de la planète, se caractérise principalement par la prédominance de l’écrit sur l’oral et par la structuration de l’enseignement sous forme de disciplines, de l’école primaire à l’université. (Fournier [2005 : 191])
Cette forme classique d’enseignement, nous l’avons tous connue, et nous la pratiquons ou nous la pratiquerons tous à un moment donné de notre carrière. L’enseignant fait cours : il expose et explique à l’ensemble des élèves un point du programme. Il transmet des connaissances à des élèves qui écoutent, prennent des notes ou écrivent sous la dictée de l’enseignant selon le niveau de la classe. C'est donc autour de la prestation de l'enseignant (faire cours) que s'organise la classe. Lointain héritier de la scolastique, ce modèle transmissif a une histoire institutionnelle : d'abord en vigueur au sein des universités, il apparaît au début du siècle dans les lycées puis se répandra dans les collèges. C’est davantage un modèle d’enseignement que d’enseignement-apprentissage car les activités proposées sont satellisées autour de « faire cours ».
1. Conception empirique basée sur deux présupposés
Les deux présupposés sur lesquels se basent les partisans de ce modèle d'apprentissage sont la neutralité conceptuelle de l'élève et la non déformation du savoir.
1- La neutralité conceptuelle de l’élève
Pour l'enseignant qui suit ce modèle ou pour tout autre partisan de cette forme d'apprentissage, l'élève n'a pas de conception personnelle ni de prérequis sur le sujet abordé avant l'enseignement. Il est assimilé à un vase vide, ou à une cire sans empreinte qu'il faut remplir.
2-La non déformation du savoir transmis
Les partisans du modèle transmitif pensent que si l’enseignant expose clairement son sujet et si les élèves écoutent bien (éventuellement en posant une ou deux questions), ils vont assimiler le message tel qu’il a été transmis sans aucun déformation.
Les exercices d’entraînement et permettront d’ancrer les nouvelles connaissances.
2. Rôle de l’enseignant
Centré sur les exigences de la discipline à enseigner, l’enseignant effectue un double travail chez lui.
Il effectue :
- une transposition didactique pour rendre le savoir savant enseignable. Il transforme le savoir "brut" en savoir "enseignable".
- une mise en progression en fonction des programmes ;
Quand, il fait court, l'enseignant, pour assurer une transmission claire, veille à dire les choses clairement, à commencer par le début à exposer les choses de manière progressive et à organiser un parcours d’acquisition.
3. Rôle de l’élève
Le rôle de l’élève est d’écouter attentivement et de mémoriser pour que le message puisse passer par émission-réception. Pour ce faire, il doit capter le discours de l'enseignant ; être relativement motivé ; déjà familiarisé avec ce mode de fonctionnement scolaire ; avoir un mode de fonctionnement assez proche de celui de l'enseignant ; avoir une autonomie d'apprentissage suffisante pour faire par eux-mêmes un travail d'appropriation et enfin travailler régulièrement.
Les erreurs de l’élève sont des accidents dus à une écoute insuffisante ou à une mauvaise explication. On y remédie par une nouvelle explication et une écoute plus attentive.
4. Représentations attachées à ce modèle
Un schéma de communication
- l'enseignant, celui qui sait, est en position centrale d'émetteur, de transmetteur de connaissances ;
- les élèves, ceux qui ne savent pas, sont en position de récepteurs ; les problèmes posés sont d’abord des problèmes de distorsion dans la réception et la compréhension des informations transmises aux élèves (inattention, étourderie, manque de réflexion, …).
Comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, la communication va dans un seul sens : de l'enseignant à l'élève.
Un schéma de remplissage
- l’enseignant qui déverse les connaissances ;
- l’élève qui est le contenant ;
- la connaissance : le contenu avec lequel on le remplit ;
5. Avantages et limites
Avantages :
L’enseignement basé sur ce modèle est le plus économe en temps et en moyens. Il permet d'enseigner à un plus grand nombre d'élèves. Il est adéquat si les apprenants sont motivés et attentifs (cours universitaire par exemple).
Limites:
Les limites dépendent de la validité des deux présupposés, à savoir, la neutralité conceptuelle de l'élève et la non déformation du savoir.
Les études ressentes ont montré que l'élève a toujours n'est pas une page vierge. Il a un conception de l'objet enseigné, celle-ci peut être fausse ou vrai. Si l'enseignant ne tient pas compte de cette conception, et que celle-ci est inadéquate, alors elle risque de ne pas être remise en cause, et d’interférer avec la nouvelle connaissance.
Par ailleurs, ce qui est dit par l’enseignant n’est pas toujours entendu de la même façon par tous les élèves. Même si les élèves sont attentifs, ils ne décodent pas de la même façon le message de l’enseignant. Cela vient du fait que les élèves ont des acquis que l’enseignant ne prend pas en compte. La connaissance suppose une activité mentale car pour être assimilée elle doit intégrer un savoir déjà présent. Il ne suffit pas de mémoriser et restituer un savoir pour le maitriser. Il est nécessite qu'il soit mobilisé pour ne pas disparaitre.
Par ailleurs, tous les élèves reçoivent le même contenu au même rythme imposé par l'enseignant. Cette non prise en compte des rythmes d’apprentissage des élèves, il permet d'avancer plus vite dans le travail scolaire par rapport au programme, mais parfois au détriment de ce que les élèves peuvent comprendre et assimiler ;
En ne solicitant pas l'élève dans la construction du savoir, l'enseignant induit une forme de passivité, une dépendance à l’égard de l'enseignant et limite l'engagement de l'élève dans l'apprentissage, le développement de son esprit critique, surtout si l’élève (malentendu possible) écoute l’enseignant sans vraiment écouter le cours. L'élève ne developpe pas son autonomie
Conclusion
Progressivement, d'autres modèles d'enseignement/apprentissage, opposés dans les principes au modèle transmitif, ont vu le jour. Toutefois, il serait inexact de penser que ce modèle d'enseignement ait disparu. Il persiste dans certains contextes éducatifs notamment universitaire. Même si le modèle transitif n’est plus le modèle officiel, il appartient encore largement à l’habitus enseignant.