LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

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Chapitre B : Le béhaviorisme et le néo-béhaviorisme

Une des premières théories d’ apprentissage : le béhaviorisme 

Le béhaviorisme est apparu aux États-Unis au début du XXème siècle. Il domine toute la psychologie jusqu’à la fin des années 1950, lorsque la psychologie s'est définitivement détachée de la philosophie. Ceci s'est fait sous l'impulsion de chercheurs comme Ebbinghaus (1850-1909), au nom de la revendication d'asseoir la psychologie sur une approche scientifique des phénomènes. Le principe de base de cette école est de se limiter aux choses qui peuvent être observées et de formuler des lois sur mes celles-ci. Par la suite, différents auteurs tels que Watson puis Skinner ont approfondi l'exigence énoncée par Ebbinghaus en insistant sur le fait que l'étude des processus psychologiques ne pouvait se faire qu'à travers l'observation objective des comportements manifestés par l'individu. C'est de la systématisation de cette exigence qu'est née, sous l'impulsion de Watson, la dénomination béhaviorisme.

Dans ce cours, nous allons appréhender cette théorie d'apprentissage à travers les lois et concepts clés qui lui sont associés mais avant une brève définition du béhaviorisme s'impose.

 

1-Qu'est-ce que le Béhaviorisme ?

Le béhaviorisme se veut une psychologie scientifique fondée sur l’observation et l’expérimentation empirique des phénomènes comportementaux. Il étudie les réactions et les actions observables d’un être (humain ou animal) en réponse à des stimuli observables. Cette psychologie cherche à découvrir les lois qui régissent les comportements des organismes vivants et donc à les prédire et à les contrôler.

Le béhaviorisme repose sur le principal postulat qu’il faut observer uniquement les comportements. L’esprit est considéré comme une boite noire dont il est impossible d’étudier le fonctionnement. En effet, les béhavioristes rejettent toute référence à l’âme, à l’esprit ou à la conscience. Ils refusent de considérer les états mentaux et le fonctionnement intellectuel de l’humain comme des objets d’observation. Ils considèrent que tout ce qui se situe à l’intérieur de la « boite noire » est inaccessible à toute étude objective. Les croyances, aspirations et motivations des individus font partie de fonctionnements internes qui n’ont pas à être abordés par la psychologie. Les observables objectifs apparaissant dans l’univers matériel constituent des comportements qui sont l’objet même de l’étude behavioriste. Le langage est lui-même considéré comme un comportement et analysé comme tel.

 

2-Béhaviorisme et lois

 

2.1- La notion d’association et la loi de l'oubli

Ebbinghaus, lors de ses observations systématiques qui portaient sur la mémorisation des syllabes sans signification, lie la mémorisation au phénomène de l'oubli; et constate que : l'oubli du matériel mémorisé est important en début de période puis décroît ensuite plus lentement conformément à la courbe présentée dans la figure 1. 

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 La courbe d'oubli d'après Ebbinghaus

 

Pour interpréter ses résultats, Ebbinghaus fait appel à la notion d'association pour expliquer que le réapprentissage est beaucoup plus facile lorsque les syllabes sont placées dans le même ordre que lors de l'apprentissage initial: "Au cours du premier apprentissage, il s'est créé une association directe entre les termes immédiatement contigus dans la série. La force de cette association directe est relativement élevée puisqu'elle se traduit par une économie (une réduction du temps consacré au réapprentissage par rapport au temps consacré à l'apprentissage initial) importante au niveau du réapprentissage des mêmes syllabes, placées dans le même ordre, le jour suivant.".

La notion d'association que l'on retrouve aussi bien chez les béhavioriste de première génération que chez les modernes, revient à Ebbinghaus. 

 

2.2- L'apprentissage par essai et erreur et les lois de l'exercice et de l'effet

Les travaux de Thorndike (1932) ont très fortement marqué la première moitié du 20e siècle par le caractère essentiellement expérimental de sa démarche. Ses travaux représentent sans doute la première tentative systématique pour dégager les lois fondamentales de l'apprentissage dans le cadre d'une psychologie scientifique.

a-La loi de l'exercice et la loi de l'effet

Le dispositif utilisé par Thorndike est simple : on enferme un chat affamé dans une cage comportant une porte munie d'un loquet. Un peu de nourriture est placée à l'extérieur. Si l'animal manœuvre efficacement le loquet, la porte s'ouvre et il peut atteindre la nourriture. Placé dans cette situation l'animal manifeste des comportements divers dits exploratoires puis, par hasard, il manœuvre le loquet ce qui lui donne accès à la nourriture. Lorsqu'on recommence l'expérience, on s'aperçoit que le temps mis par l'animal pour sortir de la cage décroît progressivement ; au bout d'un certain nombre d'essais, l'animal parvient à ouvrir le loquet dès qu'il est placé dans la cage. L'apprentissage est alors considéré comme réalisé.

C'est à partir de nombreuses observations comme celles que nous venons de décrire que Thorndike va formuler ses lois de l'apprentissage dont les deux principales sont : la loi de l'exercice et la loi de l'effet.

 

Loi de l'exercice

Les connexions entre la situation (la cage dans laquelle se trouve l'animal) et la réponse (la manipulation adéquate du loquet) sont renforcées par l'exercice et affaiblies lorsque l'exercice est arrêté. Le renforcement des connexions entre une situation et la réponse  conduit à une augmentation de la fréquence d'apparition de la réponse correcte.

Loi de l'effet

Une connexion est renforcée ou affaiblie par l'effet de ses conséquences. Si la connexion situation-réponse est suivie d'un état de satisfaction du sujet (récompense) elle est renforcée ; si elle est suivie d'un état non satisfaisant (punition) elle est affaiblie.

 

Thorndike met également en évidence la nécessaire complémentarité de ces deux lois : L'exercice ne favorise l'apprentissage que dans les situations permettant l'intervention de la loi de l'effet

 

b. L'apprentissage par essai et erreur

Lors de ses expériences, Thorndike procède d'abord par une série d'essais infructueux puis par la suite sa conduite s'affine pour éliminer progressivement les comportements les moins efficaces et aboutir de plus en plus rapidement à une solution. Thorndike désigne cette forme d'apprentissage par l'expression "apprentissage par essai et erreur". 

Toutefois, l'apprentissage par essai et erreur ne peut se faire que si on fournit au sujet des indications précises sur le résultat de son comportement. Ainsi, dans une situation d'apprentissage où l'on demande au sujet de tracer, les yeux fermés, une ligne d'une longueur déterminée, la seule répétition des essais ne conduit à aucune amélioration des performances. Pour qu'il y ait apprentissage, il faut, à chaque essai, fournir des indications précises sur le résultat de son comportement (trop long, trop court…) qui lui permettront de progresser. On voit ici apparaître la notion de feed-back qui constituera une composante essentielle de l'approche de Skinner, auteur que nous envisagerons plus bas. Thorndike insiste beaucoup, comme le fera Skinner par la suite, sur le fait que, pour qu'un apprentissage puisse se réaliser, il est essentiel que l'animal soit actif.

Cette approche conduit l'auteur à proposer des fiches de progression centrées sur le "drill and practice1de chacune de ces compétences.

Cette focalisation sur l'exercice "aveugle" de la compétence a, par la suite, fait l'objet de nombreuses critiques basées sur l'argument selon lequel le "drill" répétitif ne conduit pas à une compréhension profonde des notions alors que le but premier de l'arithmétique c'est de raisonner sur des quantités plutôt que de réaliser des opérations sans compréhension profonde de celles-ci.

 

 

2.3 Les lois du conditionnement

Pour les béhavioristes, les comportements peuvent être modifiés par des lois de conditionnement. Pavlov avance la modification des comportements par le conditionnement répondant et Skiner par le conditionnement opérant.

 

a-Le conditionnement répondant

Le conditionnement répondant est développé par Ivan Pavlov (1927) qui a travaillé sur l’association entre un stimulus et la réponse qu’il provoque. Il distingue deux types de stimulus :

  • Le stimulus inconditionnel : c’est lorsqu’un stimulus provoque une réaction automatique chez un être, réaction que l’on appelle réponse inconditionnelle. Par exemple, chez le chien, la vue des aliments (stimulus inconditionnel) provoque la salivation (réponse inconditionnelle) :Capture (repond.PNG

 

  • Le stimulus neutre : c’est lorsqu’un stimulus ne provoque pas de réaction naturelle. Par exemple, la vue d’une cloche ne provoque ni salivation chez le chien ni désir chez l’homme. 

 

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Il déduit que de l’association et de la répétition de ces deux stimuli, il peut provoquer une réponse conditionnelle. En effet, il est possible de faire en sorte qu’un stimulus neutre provoque plus ou moins la même réaction qu’un stimulus inconditionnel. Par exemple si l’on se réfère à l’expérience de Pavlov, il présente à un chien une cloche simultanément à la nourriture. A force de répéter l’expérience, le chien finit par saliver à la vue de la cloche toute seule. Ce nouveau comportement ou cette nouvelle réponse est dites conditionnelle. Cette association est le fruit d’un apprentissage !

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Cette expérience classique a par la suite fait l'objet de nombreuses variantes qui ont notamment permis de montrer

 

  • que la présentation pendant une longue période du stimulus conditionnel seul entraîne la disparition de la réponse (phénomène d'extinction);
  • qu'il est possible d'établir des conditionnements en chaîne en associant, à un premier stimulus conditionnel, un second, puis un troisième, etc.

La procédure que nous venons de décrire qui permet à l'animal d'acquérir de nouvelles conduites est connue sous le nom de conditionnement classique ou encore de conditionnement répondant.

Les mécanismes en œuvre dans le conditionnement répondant ont été mis en évidence chez l'être humain. Il a notamment été montré qu'il était possible d'amener un jeune enfant à crier (réponse) en présence d'un animal (stimulus neutre) en associant la présentation de cet animal à l'émission d'un bruit violent comme celui produit par un marteau qui heurte une barre métallique (stimulus inconditionnel).

Les principes du conditionnement répondant ont aussi été utilisés pour définir les techniques dites de déconditionnement (désensibilisation) qui sont mises en œuvre pour traiter différentes formes de problèmes psychologiques relevant des phobies (peur des araignées ou des espaces publics par exemple).

Toutefois, certains auteurs nous mettent en garde contre une généralisation abusive à l'être humain des principes du conditionnement répondant. En effet, la plupart des activités humaines présentent rarement le caractère inévitable et cet assujettissement direct à une stimulation spécifique qui caractérise les réactions conditionnelles chez l'animal. Les résistances du sujet, ses attitudes, ses choix, ses décisions, son libre arbitre rendent souvent difficile l'établissement de conditionnements simples. Il ne faut pas en déduire que les principes du conditionnement ne s'appliquent pas à l'homme mais bien qu'il est nécessaire de compliquer le schéma initial de Pavlov afin d'y inclure d'autres facteurs qui tiennent compte des capacités humaines. C'est dans cette voie que s'est engagé un auteur comme Staats en introduisant certaines variables liées au langage ou aux aspects sociaux du comportement humain.

 

Exercices :

1- L’apprentissage par essai et erreur tel qu’il est envisagé par Thorndike :

a-    permet de développer certaines connaissances procédurales

b-    favorise la compréhension profonde des notions

2- Le principe du conditionnement répondant :

a-      ne s’applique pas à l’être humain

b-      s’applique surtout chez l’être humain à modification d’attitudes

c-       s’applique surtout chez l’être humain aux apprentissages cognitifs

3- Le conditionnement répondant permet :

a-      d’expliquer que la probabilité d’apparition d’un comportement augmente lorsque celui-ci est suivi d’une récompense

b-      de traiter certaines formes de phobies par désensibilisation

c-      de créer de nouvelles conduites par association avec un stimulus neutre

d-      de créer de nouvelles conduites avec stimulus inconditionnel

4- Par l’association d’un stimulus conditionnel avec un stimulus inconditionnel , on obtient :

a-      une réponse inconditionnelle

b-     une réponse conditionnelle

c-      une réaction neutre

                         

 

b. Le conditionnement opérant

L'article de B.F. Skinner intitulé "The science of learning and the art of teaching" (1954) dans lequel l'auteur plaide pour une approche scientifique des processus d'apprentissage annonce la naissance du béhaviorisme moderne ou néo-béhaviorisme. Dans ce travail, l'auteur envisage l'application à l'apprentissage humain d'une méthodologie appelée conditionnement opérant mise au point au cours de nombreuses expériences réalisées sur l'animal.

Pour réaliser ces expériences, l'auteur utilise un dispositif appelé cage de Skinner dans lequel un rat reçoit de la nourriture lorsqu'il appuie sur un levier. Le protocole de base de l'expérience est simple : un rat affamé est placé dans la cage ; le rat explore activement son environnement et actionne, par hasard, le levier qui provoque la présentation de la nourriture. On constate par la suite que le rat appuie de plus en plus fréquemment sur le levier. Après un certain temps, on supprime la présentation de la nourriture et on constate que le rat continue d'appuyer sur le levier.

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L'objet de cette procédure consiste à construire de nouvelles conduites à travers l'établissement d'un lien entre un stimulus (le levier) et une réponse (la pression sur le levier) grâce à l'intervention d'un agent de renforcement (la nourriture). La conduite est acquise lorsque le lien stimulus-réponse devient autonome c'est-à-dire qu'il se manifeste indépendamment de la présentation de la nourriture

 

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Etablissement du lien S-R

 

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Lien S-R autonome

 

Sur la base du protocole que nous venons de décrire, Skinner s'est donné pour ambition de mettre en évidence les lois qui gouvernent l'apprentissage en se référant uniquement à l'observation du comportement et des conditions qui, dans l'environnement du sujet, ont engendré ce comportement.

L'application de la procédure décrite dans la figure 2 à un grand nombre de situations, a conduit Skinner à définir les principes de base qui régissent l'acquisition d'une nouvelle conduite:

 

  • Le délai entre l'action et la présentation de l'agent de renforcement doit être aussi bref que possible (principe de contiguïté temporelle) 
  • La nature de l'agent de renforcement doit être adaptée aux besoins du sujet (de la nourriture chez un rat affamé) 
  • La présentation de l'agent de renforcement doit être vue comme une conséquence de l'action

Le conditionnement opérant se distingue du conditionnement répondant (Pavlov) par le fait que l'animal est actif : il doit lui-même, par son activité, obtenir la nourriture qui va permettre la construction du lien entre un stimulus et une réponse. Par contre, dans le conditionnement répondant l'animal répond par une activité de salivation à la nourriture qui lui est présentée.

 

c- Le conditionnement opérant appliqué au domaine éducatif

 

Après avoir posé les bases du conditionnement opérant, le behavioriste B.F. Skinner s'est attaché, dès les années 1960, à les appliquer notamment dans le domaine de l'éducation et de la thérapie.

 

  • L'enseignement programmé

Selon Skinner, le but de l'enseignement est de susciter chez l'élève des formes nouvelles de comportement. Ainsi, toujours selon lui, enseigner n'est rien d'autre qu'arranger les conditions de renforcement dans lesquelles les élèves apprennent. Cela a pour conséquence d’accélérer l'apparition des nouveaux comportements. Ce principe pédagogique est appelé enseignement programmé.

L'enseignement programmé nécessite au préalable de fixer un objectif éducatif (le comportement souhaité) et de définir les étapes à suivre (la progression pédagogique) pour atteindre l'objectif visé.
Ainsi, la discipline à enseigner (les mathématiques, la géographie, l'orthographe...) est découpée en plusieurs parties (ou unités), lesquelles sont accompagnées de questions de plus en plus difficiles. Aussi, chaque partie doit être courte et doit être une source de réussite pour l'élève afin d'assurer un renforcement immédiat et positif. En effet, les behavioristes considèrent l'erreur comme source de renforcement négatif et de démotivation.

 

  • Les outils éducatifs du behaviorisme skinnérien

Skinner préconise l'utilisation d'outil respectant les critères suivants:

  • permettre un échange continu entre l'élève et la discipline enseignée.
  • présenter uniquement la partie de la discipline la plus proche des possibilités actuelles de l'élève et s'assurer que cette partie est bien apprise.
  • permettre une progression qui s'accorde au rythme de l'élève.
  • faire en sorte que l'élève soit actif par la production de réponse.
  • renforcer l'élève en lui permettant de constater l'exactitude de sa réponse.

Dans l'optique de respecter scrupuleusement ces critères, Skinner a conçu une "machine à enseigner" qui est en quelque sorte l'ancêtre des logiciels éducatifs utilisés aujourd'hui.

L'enthousiasme de Skinner sur la mise en place d'un système scolaire basé sur un tel dispositif d'enseignement s'est toutefois heurté à certaines résistances culturelles. Aussi, son programme a rapidement été remis en cause et remplacé par d'autres programmes mettant notamment en avant le rôle positif de l'erreur dans l'apprentissage.

 

  • Les variables qui agissent sur l'installation et le maintien d'une conduite

A partir de ces principes de base, Skinner mettra au point, différentes procédures de conditionnement permettant d'augmenter la résistance à l'extinction c'est-à-dire de maintenir la conduite plus longtemps après suppression de l'agent de renforcement.

Par exemple, une procédure dans laquelle l'agent de renforcement est présenté dans des délais variant de quelques secondes à 6 minutes peut s'avérer très efficace chez l'animal (programme à intervalle variable). Chez l'homme, on a pu constater que pour des apprentissages cognitifs on pouvait prolonger le délai de plusieurs heures voire de plusieurs jours sans que l'apprentissage ne soit perturbé.

Dans le même ordre d'idées, Skinner observe que le fait de ne renforcer que certains des comportements corrects ne perturbe pas la construction de la conduite (on ne donne la nourriture qu'une fois sur deux ou sur trois …).

Ces procédures basées sur le choix du moment de présentation de l'agent de renforcement sont souvent mises en œuvre en contexte pédagogique. C'est le cas notamment dans les laboratoires de langue où le professeur écoute tour à tour ses étudiants sans que ceux-ci ne connaissent le moment où ils sont écoutés. Dans cette situation, seule une partie des réponses correctes de l'élève sont renforcées (lorsque le professeur les écoute).

Skinner propose également de manipuler directement les agents de renforcement afin de mettre en évidence les éléments qui, à ce niveau, permettent de renforcer la robustesse du lien S-R. Tout d'abord, il distingue entre renforcement positif et renforcement négatif. Un renforcement positif est tel que sa présentation augmente la fréquence d'apparition du comportement. C'est notamment le cas de la présentation de nourriture à un sujet affamé. Le renforcement négatif a pour effet d'augmenter la fréquence d'apparition du comportement lorsqu'il est supprimé. Skinner a, à cet effet, imaginé un dispositif tel que le rat placé dans la cage reçoit une décharge électrique s'il n'a pas fourni la réponse (pression sur le levier) après un certain temps.

L'effet du renforcement positif s'observe couramment en situation de classe : l'élève qui fournit une bonne réponse est félicité par le maître ce qui augmente la fréquence d'apparition de cette réponse. Le renforcement négatif, qu'il ne faut pas confondre avec la présentation d'un feed-back négatif (ta réponse est erronée) qui n'a, selon Skinner, pas d'effet sur l'apprentissage, est plus rarement mis en œuvre. On peut néanmoins en trouver quelques exemples dans la vie quotidienne comme c'est le cas par exemple dans les dispositifs sonores qui rappellent à l'automobiliste qu'il doit attacher sa ceinture avant de démarrer. Ainsi, l'agent de renforcement négatif disparaît lorsque l'automobiliste adopte la conduite adéquate (attacher sa ceinture).

Les renforcements positifs et négatifs constituent des éléments qui ont pour but de renforcer l'apparition des comportements désirés. Par contre, la punition, qui ne doit pas être confondue avec le renforcement négatif, a pour fonction de réduire la fréquence d'apparition des comportements non désirés. La punition est souvent utilisée en contexte scolaire où elle peut prendre des formes telles que : critiquer, tourner en ridicule, déprécier, donner de mauvaises notes ou des travaux supplémentaires à réaliser à domicile. Toutefois, ce type d'interventions ne sera considéré comme une punition du point de vue béhavioriste que si elles conduisent à faire cesser le comportement non désiré.

 

Certaines études ont également mis en évidence que certains programmes de conditionnement pouvaient, tout en étant efficaces, générer chez le sujet humain une forte anxiété. C'est le cas notamment des renforcements négatifs ainsi que des programmes à intervalle variable qui maintiennent le sujet dans un état de tension important.

Il est également possible d'agir sur le comportement en supprimant une source de renforcement qui est naturellement présente dans la situation : on peut corriger le comportement d'un élève qui a pris l'habitude de déranger la classe en amenant les autres élèves à ne plus prêter attention à ses remarques. On supprime ainsi l'apparition de l'agent de renforcement constitué ici par l'attention accordée par les condisciples. Ce phénomène est connu sous le nom d'extinction. Toutefois en pratique l'extinction du comportement par suppression du renforcement est souvent longue à obtenir car il est fréquent qu'un comportement réapparaisse spontanément (recouvrement spontané) sans avoir été renforcé.

 

Type de stimulus

Mode de présentation

Effet sur le comportement

Dénomination

Positif

Ajout

Renforce

Renforcement positif

Négatif

Retrait

Renforce

Renforcement négatif

Négatif

Ajout

Affaibli

Punition

Positif

Retrait

Affaibli

Extinction

 

Tableau 2.1 : Caractéristiques du renforcement, de la punition et de l'extinction

 

La généralisation et la discrimination constituent deux principes essentiels qui régissent l'installation d'une conduite par conditionnement.

Pour Skinner tout comme pour Thorndike, l'apprentissage se réalise à partir de l'activité du sujet, les conduites les plus adéquates sont ensuite sélectionnées en fonction des résultats obtenus. Par contre, ces auteurs se différencient lorsqu'il s'agit d'établir les éléments qui permettent de construire une nouvelle conduite. Pour Skinner, seule la réponse correcte joue un rôle d'agent de renforcement et contribue à l'acquisition d'une nouvelle conduite alors que, pour Thorndike, l'erreur participe pleinement à l'apprentissage en diminuant la probabilité d'apparition du comportement qui l'a engendré.

Skinner recommande d'organiser l'enseignement en vue de minimiser l'apparition des erreurs dans le cadre d'une méthode qu'il appelle l'apprentissage sans erreur. Pour lui, tout comportement, qu'il soit psychomoteur ou cognitif, peut être acquis de manière efficace en évitant à l'élève de commettre des erreurs.

 

 

Exercice

1-La présentation d’une punition :

a- Diminue la fréquence d’apparition d’un comportement

b- Augmente la fréquence d’apparition d’un comportement

2-Le retrait d’un renforcement positif

a- Diminue la fréquence d’apparition d’un comportement

b- Augmente la fréquence d’apparition d’un comportement

3-Le retrait d’un renforcement négatif

a-Diminue la fréquence d’apparition d’un comportement

b-Augmente la fréquence d’apparition d’un comportement

3- Points forts et points faibles d’un enseignement de type behavioriste

Les behavioristes considèrent que les structures mentales sont comme une boîte noire à laquelle on n'a pas accès et qu'il est donc plus réaliste et efficace de s'intéresser aux « entrées » et aux « sorties » qu'aux processus eux-mêmes.

 

L'enseignant s'attache alors à définir les connaissances à acquérir, non pas d'une manière « mentaliste » (en usant de termes comme compréhension, esprit d'analyse ou de synthèse... qui concernent ce qui se passe à l'intérieur de la fameuse boîte noire) mais en termes de comportements observables qui devront être mis en œuvre en fin d'apprentissage. Ce qui est attendu au niveau des élèves ce sont des comportements du genre : l'élève devra être capable de... + un verbe d'action. Un verbe d'action (distinguer, nommer, reconnaître, classer...) et non un verbe mentaliste (comprendre, savoir, réfléchir...).

 

a-       Quelques aspects positifs

 

Le modèle behavioriste limite le risque de dogmatisme verbal de la part de l’enseignant, en l'obligeant à se centrer sur l'élève et sur la tâche intellectuelle que celui-ci doit réussir, plutôt que sur l'organisation de son propre discours et de sa progression. La force du behaviorisme a été de proposer une théorie complète de l'apprentissage en le définissant (apprendre c'est devenir capable de donner la réponse adéquate) ; en précisant les mécanismes psychologiques à l'œuvre (répétition de l'association stimulus-réponse) et en proposant une méthode d'enseignement-apprentissage (opérationnaliser des objectifs d’apprentissage, conditionner, apprendre par essais-erreurs, provoquer des renforcements positifs en cas de bonnes réponses et des renforcements négatifs pour rectifier les erreurs).

 

Ce modèle d’apprentissage a contribué à renouveler les pratiques en matière d’évaluation. C'est grâce à lui qu'on peut s'assurer qu'une question correspond bien à l'objectif qu'on s'est fixé. Il constitue un outil efficace dans la concertation entre enseignants, lorsqu'on cherche à s'assurer que l'on a les mêmes buts, que les mêmes mots ne recouvrent pas deux projets distincts.

 

Travailler au plus près des comportements permet d'être plus précis quant on parle d'objectifs pédagogiques, de compétences à maîtriser, etc. Par exemple, en classe ou en corrigeant des travaux écrits, il y a une manière de faire des observations (mal compris, à revoir, etc.) qui n'aide pas l'élève à bien repérer ce qui ne va pas, aussi bien d’ailleurs que ce qui a été correctement réalisé. Là aussi, travailler précisément au niveau des observables permettra davantage à l'élève d'identifier ses erreurs et de travailler à les rectifier.

 

b-      Quelques aspects négatifs

 

Les behavioristes radicaux refusent de prendre en compte autre chose que des événements mesurables, quantifiables, des comportements au sens large. Il s'agissait de faire de la psychologie une science empirique et donc la fonder sur des observations, et que sur des observations. Cette tentative fut un échec, et ne tient pas même d'un point épistémologique. La définition d'un comportement, et des éléments observables, de l'objet de la science dans ses contours et entités élémentaires est un problème insoluble. Où commence et où se finit un comportement ? Comment isoler une unité d'observations ?

 

Sur le plan pédagogique, c'est la pédagogie par objectifs qui fait le mieux prendre conscience des distorsions souvent considérables qui existent entre ce que l'enseignant se propose de faire acquérir (les objectifs généraux et les buts) et ce qui se passe réellement pour l'apprenant (les objectifs opérationnels). L'opérationnalisation des objectifs à atteindre fait que l'enseignant se trouve rapidement face à un trop grand nombre d'objectifs à viser au même moment, ce qui limite ce genre de pratique. Réduire un apprentissage complexe en une succession d’apprentissages plus simples peut avoir comme effet que, même si un élève satisfait à toutes les étapes intermédiaires de l'apprentissage, il peut ne pas maîtriser l’apprentissage complexe visé initialement. En matière d’apprentissage, le tout peut ne pas être la somme des parties qui le composent. A force de vouloir réduire les difficultés inhérentes à un apprentissage, on peut finir par les contourner et amener les élèves à réaliser des tâches au cours desquelles ils n’apprennent plus suffisamment

 

Conclusion

 

Le modèle béhavioriste tel que l'a développé Skinner est souvent qualifié de béhaviorisme radical en ce sens qu'il refuse de prendre en compte dans son explication des comportements humains tout élément qui ne pourrait faire l'objet d'une observation directe. D'autres auteurs tels que Hull ou Guthrie ont adopté par rapport au modèle béhavioriste des positions plus nuancées.

Pour Hull, le comportement humain est placé sous le contrôle de stimuli mais certains de ces stimuli peuvent être internes c'est ce qu'il appellera des variables intermédiaires. 

Guthrie récuse certaines idées centrales du béhaviorisme en affirmant que la répétition n'est pas nécessaire à l'apprentissage (l'apprentissage peut se dérouler en un seul essai selon un processus de tout ou rien) ou encore que "le mécanisme de l'apprentissage se trouve à l'intérieur de l'individu". Par cette dernière affirmation, il adopte une position qui va à l'encontre de l'idée chère aux béhavioristes selon laquelle le comportement est placé sous le contrôle exclusif des stimuli extérieurs.

Hull et Guthrie, en prenant en compte dans l'explication du comportement certaines caractéristiques liées à l'individu, sont très probablement influencés par le modèle gestaltiste mais annoncent aussi l'approche cognitiviste qui fera une place beaucoup plus grande que chez les béhavioristes, aux caractéristiques internes de l'individu dans l'explication des phénomènes d'apprentissage.

Le behaviorisme n’a pas très bonne presse en France car il est souvent réduit au conditionnement, avec le fameux schéma [S → R] issu des travaux de Pavlov. Mais le behaviorisme n’en est pas resté à ce mécanisme d’apprentissage primaire. De là sont issus, notamment, le conditionnement répondant, l'enseignement programmé, une bonne part de la pédagogie par objectifs (PPO) et de l'enseignement assisté par ordinateur (EAO) ainsi que le développement actuel des référentiels de compétences et de la pédagogie de maîtrise.

 

 

Notes

1.Le terme "drill and practice" est défini comme une méthode d’enseignement caractérisée par la répétition systématique de concepts, d’exemples et de problèmes pratiques. C'est un exercice discipliné et répétitif, utilisé comme moyen d’enseignement et de perfectionnement d’une compétence ou d’une procédure. En tant que stratégie d’enseignement, elle favorise l’acquisition de connaissances ou de compétences par une formation systématique par des répétitions multiples, des répétitions, des exercices pratiques et des répétitions afin d’apprendre ou de devenir compétent. Comme pour la mémorisation, l’exercice consiste à répéter des habiletés spécifiques, comme l’orthographe ou la multiplication. 



01/11/2016
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