LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

Chapitre 7 : Didactique de la grammaire

La problématique de l’enseignement grammatical occupe une importance capitale au sein de la didactique des langues étrangères, toutes les tentatives de développement de cette discipline impliquent une remise en question du rôle et du genre des activités grammaticales à adopter pour aboutir à une meilleure appropriation de l’objet de l’enseignement/apprentissage. « La didactique du FLE a évolué de manière visible au long de ces dernières années en ce qui concerne les méthodologies et les contenus, mais aussi la pratique grammaticale, qui aurait pu sembler moins sujette à des bouleversements importants ; introduction de nouvelles descriptions de la langue, type de pratiques proposées à l’apprenant, place de la grammaire dans l’unité de travail, rôle de l’enseignant. » (H.Boyer. M.Butzbach.M. Pendanx, 1990: 201).

 

1. Pratiques de grammaire

 

Dans son ouvrage intitulé Méthodes et pratiques des manuels de langue, H.Besse, propose une typologie des méthodes qui se base sur quatre critères :

 

1-Le premier concerne le procédé choisi pour amener les étudiants à saisir le sens des mots étrangers, l’enseignant peut recourir à la traduction, ou la refuser en s’appuyant sur des données non linguistiques (environnement immédiat, gestes, images, etc.)

2- La démarche suivie pour enseigner la grammaire de la langue-cible, le choix se fait généralement entre la démarche explicite (formuler les règles et donner les explications) et la démarche implicite (soit on fait pratiquer aux apprenants de manière intensive des régularités morphosyntaxiques de la LC pour qu’ils puissent intérioriser les règles organisatrices, soit on recourt à des jeux communicatifs, des simulations, etc.)

3- Les morceaux linguistiques choisis pour présenter la LC aux apprenants, il peut s’agir de documents authentiques ou de morceaux linguistiques produits à des fins didactiques.

4-L’ordre et la sélection organisant les éléments morphosyntaxiques et lexicaux de l’enseignement/apprentissage (la progression). L’enseignement grammatical constitue, comme on va le voir, un pilier qui contribue, inséparablement des autres pratiques didactiques, à construire une méthode d’enseignement particulière.

 

2. Place de la grammaire dans les différentes méthodologies

Dans la MT, la grammaire occupe une place centrale, d’où son nom « méthodologie grammaire-traduction ». En effet, la langue était conçue comme un ensemble de règles et d’exceptions.  L’enseignement des régularités morphosyntaxiques se fait de façon déductive et explicite. Au début de la leçon, la règle est exposée et expliquée par l’enseignant en langue source, puis progressivement, la règle est donnée en LC, quand les apprenants en auront intériorisé les rudiments nécessaires à sa compréhension. La progression suivie est quasiment identique au découpage linguistique effectué dans la description grammaticale adoptée.

Les leçons suivent généralement le cheminement suivant : l’enseignant utilise la langue de départ pour expliquer une ou deux règles (de grammaire traditionnelle) de la LC, pour illustrer ces règles il donne des exemples en langue de départ et des exemples en LC, qui seront traduits mot à mot. Pour consolider l’enseignement/apprentissage cette méthode s’appuie sur des exercices de version (la traduction se fait de la LC vers la langue de départ) et des exercices de thème (la traduction se fait de la langue de départ vers la LC).

 

Dans la MD, l’enseignement de la grammaire occupe une place moins importante que celle accordée dans la MT. L’enseignement suit une démarche implicite et inductive. Pour amener les apprenants à intérioriser les régularités morphosyntaxiques de la LC, on ordonne dans des tableaux des phrases (déjà pratiquées par les apprenants) de telle sorte qu’il soit possible d’induire les règles qui sous-tendent leur organisation interne. « A partir d’exemples bien choisis, on conduit l’apprenant à découvrir les régularités de certaines formes ou structures et à induire la règle qui ne peut être explicitée ni dans la langue maternelle, ni vraiment dans la langue étrangère, étant donné que le bagage lexical de l’élève est réduit au vocabulaire concret. » (CUQ.JP. GRUCA.I.2003. p237).

 

En MAO, la grammaire reprend de l’ampleur. Une démarche inductive et implicite est préconisée/imposée. Une pratique systématique de structures « bien choisies » qui se base sur les exercices structuraux devrait conduire les apprenants à intérioriser les régularités morphosyntaxiques de la LC sans qu’il y ait besoin d’expliciter les règles d’un métalangage particulier. «[…] parée des prestiges du laboratoire de langue, on retrouve la grammaire inductive implicite recommandée par la méthode directe. » BESSE. H, 1985 : 37.

 

Comme dans la méthode audio-orale l’enseignement de la grammaire est implicite et inductif avec toutefois une certaine particularité, les exercices structuraux jugés ennuyeux pour les apprenants, seront remplacés par les exercices de réemploi ; ceux-ci devraient permettre aux apprenants de réutiliser les constructions des dialogues dans des situations différentes en s’appuyant sur les opérations d’exploitation et de transposition ; l’objectif étant de permettre de réemployer ce qui est appris dans diverses situations afin de contextualiser les éléments grammaticaux. « …,il s’agit toujours de dissocier le moins possible la pratique méthodique des régularités grammaticales étrangères des conditions dans lesquelles on peut en faire usage, on parle quelques fois de « grammaire en situation » BESSE. H, 1985 : 41)

 

L’enseignement de la grammaire qui se veut ici un support à la communication, va épouser des directions qui diffèrent considérablement des options adoptées par les méthodes précédentes, une large place sera accordée à la grammaire explicite à travers la pédagogie de la découverte. Il s’agit d’amener les apprenants à découvrir le fonctionnement syntaxique de la LC par le biais des exercices de conceptualisation (Besse. H, 1975 et Besse. H. Porquier. R,1984), qui sollicitent des capacités cognitives supérieures telles que : l’observation, la réflexion, l’analyse, la déduction, la synthèse.

Le déroulement d’un exercice de conceptualisation peut se résumer comme suit: les apprenants sont appelés à construire ou à observer un corpus constitué par le micro-système dont on veut faire découvrir le fonctionnement, cet examen doit les conduire à formuler des hypothèses explicitées sur le fonctionnement de cet élément. Les apprenants seront appelés à tester et éventuellement à modifier leurs hypothèses par la production d’énoncés contenant l’élément linguistique concerné et/ou par la confrontation à un savoir linguistique établi. Cette activité est accompagnée par des explications relativement traditionnelles et doit être complétée par des exercices de systématisation et de fixation.

 

 

A la fin de ce parcours historique et méthodologique, résumé par Tagliante . C ; dans le tableau qui suit :

 

Méthode

traditionnelle

Énoncé des règles, illustrations et traductions des exemples donnés . Vérification a l’aide d’exercices de version et de thème.

Méthode

directe

Démarche inductive et implicite, d’après l’observation des formes ( ………).

Méthode

Audio-orale

Exercices structuraux de substitution ou de transformation, après mémorisation de la structure modèle =fixation par l’automatisation et l’acquisition de réflexe.

Pas d’analyse ni de réflexion .

Méthode SGAV

Grammaire inductive implicite avec exercices de réemploi des structures en situation par transposition .

Approche

communicative

Conceptualisation des points de grammaire suivie de formulation du fonctionnement par l’apprenant et d’explication par l’enseignant .

 

 

Il y a lieu de s’interroger sur l’enseignement grammatical qui répondrait le mieux aux objectifs d’acquisition-apprentissage d’une langue étrangère en milieu formel. Selon l’avis d’un grand nombre de spécialistes, la démarche implicite convient surtout à des apprenants qui n’ont pas de « passé métalinguistique » et à des débutants. Elle leur permet d’intérioriser une certaine « intuition grammaticale » en LC sans recourir aux métalangues souvent rébarbatives pour des apprenants qui ignorent tout de cette langue. A ce sujet, dans le rappel des contraintes liées à l’enseignement explicite de la grammaire, Besse et Porquier (1984) ont présenté un certain nombre de pré-requis sans lesquels l’explicitation et l’explication ne peuvent avoir lieu. En posant qu’une description grammaticale peut être définie comme étant l’application d’un modèle métalinguistique donné une zone d’une grammaire intériorisée donnée ; ils postulent que la compréhension de l’explication grammaticale exige d’un côté que l’on comprenne la langue dans laquelle se fait l’explication, que l’on saisisse les concepts et opérations du modèle métalinguistique en question et que l’on ait une certaine intuition sur la grammaire intériorisée concernée. On ne peut pas enseigner à des débutants en FLE une explication qui se fait en cette langue qui porte sur elle et qui s’appuie sur un modèle métalinguistique inconnu des apprenants. L’enseignement explicite de la grammaire exige la réalisation d’au moins deux des trois pré-requis cités. L’une des principales préoccupations de l’enseignement de la grammaire devrait être la prise en considération que cet enseignement doit se faire à des fins expressives en tenant compte des différents paramètres qui contribuent à mettre en place et à développer le processus d’acquisition/apprentissage. « Le résultat de l’apprentissage est moins le produit de ce qui a été présenté par l’enseignant ou le matériel didactique utilisé que le produit conjoint de la nature des informations présentées et de la manière dont cette information a été traitée par l’apprenant lui-même. »(Germain. C, 1993 : 205). C’est pourquoi parmi les pratiques grammaticales existantes ou qui ont existé les exercices de conceptualisation et les pratiques didactiques qu’ils impliquent dans une pédagogie de la découverte semblent aujourd’hui les plus appropriés. Nous y attacherons une attention particulière afin de mieux comprendre certains choix et procédés didactiques qui s’y rapportent.

 

 

Extrait d' Enseignement/apprentissage de la grammaire en classe de FLE : Cas de la conjonction de coordination en 8ème AF, mémoire de BENSID Hana Imen.



08/01/2017
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