LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

Chapitre 4 : L'enseignement de l'oral dans les différents courants méthodologique

1. L'oral dans la méthodologie traditionnelle 

 

La méthodologie traditionnelle ou grammaire-traduction dominait largement dans l’enseignement des langues vivantes jusqu’à la fin du  XIXème siècle.

 

Jusqu’à la  première moitié du XIXème l’apprentissage des langues vivantes se focalisait sur l’écrit, en particulier sur la grammaire, la version et le thème, s’inspirant ainsi de l’enseignement des langues mortes. Mais progressivement les instances chargées de régir l’enseignement des langues vivantes, devant l’influence des méthodes orales, commencent à prôner/imposer l’enseignement de l’oral. Et dès le 18 septembre 1840 l’instruction de l’Education Nationale fit une explication très précise de la méthodologie traditionnelle et de son application en classe de langue étrangère dans les lycées de l’époque:

 

La première année (...) sera consacrée tout entière à la grammaire et à la prononciation. Pour la grammaire, les élèves apprendront par cœur pour chaque jour de classe la leçon qui aura été développée par le professeur dans la classe précédente. Les exercices consisteront en versions et en thèmes, où sera ménagée l’application des dernières leçons. (...) Pour la prononciation, après en avoir exposé les règles on y accoutumera l’oreille par des dictées fréquentes, et on fera apprendre par cœur et réciter convenablement les morceaux dictés. (...)
Dans la seconde année (...) les versions et les thèmes consisteront surtout en morceaux grecs et latins qu’on fera traduire en anglais et en allemand, et réciproquement. (...)
Dans la troisième année, l’enseignement aura plus particulièrement un caractère littéraire. Le professeur pourra présenter une sorte de tableau de la littérature anglaise ou allemande, en faisant expliquer un ou deux morceaux de chaque auteur célèbre. Ce sera une histoire littéraire en exemples. Les versions seront remplacées par des traductions orales des passages difficiles, et les thèmes par des lettres ou des narrations composées par les élèves. Le professeur pourrait, de temps en temps, faire sa leçon dans la langue enseignée, et les élèves seraient tenus d’apporter une rédaction abrégée de cette leçon dans la même langue.

 

In Christian PUREN, Histoire des méthodologies d’enseignement des langues vivantes (1988) p. 36

 

Si l’on se réfère à cette instruction,, les activités orales se résument :

-   à la prononciation : exposition de règles  + dictées
-   à la traduction orale de certains passages difficiles (thème)
 

Cependant, c'est la prononciation qui occupera une place prépondérante en tant qu'activité orale et elle ne cessera, au cours des ans, à prendre une ampleur considérable. En effet, l'importance accordée à la prononciation (surtout pour les débutants) est soulignée, de nouveau, par  l’instruction de 13 septembre 1890 :

 

En tête de toute méthode pour apprendre une langue vivante, il faut écrire le mot : prononciation. Les détails de la méthode peuvent varier, selon le caractère et l’âge de l’élève, même selon le goût du maître ; mais cette première règle est immuable. Apprendre une langue, c’est d’abord se mettre en état de produire les sons dont elle se compose... 

 

Progressivement, on commence à prôner les activité de « conversation » , dans toutes les classes comme le propose l’instruction du 13 septembre 1890 de cette instruction, tous les exercices doivent déboucher sur une « conversation » : "Une lecture, une leçon, même un thème ou une version, gagneront à être repris une dernière fois sous cette forme vivante". 

 

La même instruction insiste sur la nécessité de « garder à l’exercice de conversation au moins l’apparence d’une conversation improvisée ». Cependant ladite « conversation » se résumera pendant longtemps à des questions/réponses sur des textes littéraires avant qu’elle ne cible des thèmes plus courants : la salle de classe, l’école, la maison et autres thèmes de leçons de choses, « ce sera déjà un thème oral que fera l’élève, avec cette différence qu’au lieu de traduire un texte français il traduira les objets mêmes, ce qui vaut mieux ». Par là, les instructions Introduisent les principes de la méthode directe.

 

La priorité donnée à l’oral dans les différentes instructions des décideurs éducatifs va de pair avec des consignes visant à réduire l’écrit et le travail personnel omniprésents dans la MT classique.  Ainsi au début et à la fin de la seconde moitié du XIXème siècle deux instructions, au moins, prôneront la pratique orale et la réduction de l’écrit généralement associé à la grammaire :

 

Instruction de 1854 sur l’Enseignement spécial :

C’est la pratique orale, soit dans la classe, soit au dehors, qui produira, dans cet Enseignement spécial, les résultats dus au travail personnel et à la réflexion dans les autres branches de connaissance (…) l’application orale et immédiate des règles doit être substituée aux exercices systématiquement calqués sur les procédés abstraits de la grammaire…

 

Instruction du 29 septembre 1886

(…) il faudra sous ce rapport [de la grammaire] se borner à l’indispensable avec des débutants, éviter la philologie abstraite et ne formuler que des règles dont la portée et l’utilité puissent être immédiatement saisies. 
 

 

Quand aux nombreux devoirs écrits que les élèves devaient impérativement réaliser, l’importance qui leur est accordé par les partisants de la MT classique, finit par alerter le ministre A. Bardoux, qui, dans une Circulaire du 20 novembre 1878, écrit aux Recteurs :

Je désire connaître, pour chaque classe, la nature et le nombre des devoirs écrits par semaine, et examiner s’il ne convient pas d’en sacrifier quelques-uns au profit des explications et des lectures.

 

En conclusion,vers la fin de la seconde moitié du XIXème siècle de nombreux enseignants délaissent la MT  et « expérimentent dans leurs classes, de manière sans doute anarchique et empirique, de nouvelles pratiques.» (Puren, 98) ce qui finit par provoquer la colère des responsables de l’époque.  L’instruction officielle de 1890 déplore « le défaut d’unité et de cohésion dans l’enseignement [...] : tel professeur insiste sur la grammaire, tel autre sur l’explication de textes ; l’un s’applique aux exercices oraux, l’autre juge inutile ou même impossible d’obtenir une bonne prononciation ».

Quelques années plus tard, la méthodologie directe, déjà plus ou moins pratiquée, est officiellement imposée dans l'enseignement secondaire français par les instructions ministérielles de 1901.

 

 

Annexes

 

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CONVERSATION

Qu’avaient été les enfants de mon oncle ?

Ils avaient été étourdis et désobéissants.

Qu’étaient-ils devenus ?

Ils étaient devenus obéissants.

Qu’étaient devenus les soldats du prince ?

Ils étaient devenus braves.

Qui avaient été prudents ?

Les chasseurs du comte.

Qu’étaient-ils devenus ?

Courageux et téméraires.

Qui était devenu aveugle ?

Notre vieille grand-mère.

Alexandre PEY, Nouveau cours élémentaire de langue allemande Second degré - 1. Classe de Septième. 3e éd.

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Le professeur prononce à voix haute les mots et les phrases.

Les élèves, l’un après l’autre, répètent. On insistera sur l’accent tonique.

Correction des défauts de prononciation et d’intonation.

Les mots et les phrases sont ensuite écrits au tableau, copiés par les élèves et appris par cœur.

Les mots sont, autant que possible, présentés par séries se rapportant à un même ordre d’idées (mobilier de la classe, parties du costume, corps humain, etc.).

Les noms sont toujours appris précédés de l’article.

Les noms de nombres.

Exercices gradués de lecture.

Dictée des mots connus des élèves. Pendant cette première année, le professeur écrit et fait écrire les mots allemands en caractères français.

Grammaire allemande élémentaire.

Thèmes d’imitation sur les phrases déjà connues.

Petit livre de lecture sur le modèle de ceux dont se servent les élèves de l’enseignement primaire en Suisse et en Allemagne.

Vers faciles appris par cœur.

Les actes et les mouvements de la classe sont commandés en allemand.

 

Programme de l’Enseignement secondaire spécial dans les lycées et collèges. Arrêté du 10 août 1886

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2. L'oral dans la méthodologie directe

Selon Puren (1998 : 81) trois méthodes constituent le noyaux de la méthodologie directe : la méthode directe, active et orale . Celles-ci sont complétées par les méthodes interrogative, intuitive, imitative et répétitive. Il représente par le schéma suivant leurs liens :

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2.1 La méthode directe

Le Congrès de Vienne de 1898 recommandait dans sa première résolution de n’utiliser la traduction que comme procédé exceptionnel d’explication lexicale ou grammaticale : « On n’aura recours à la langue maternelle que dans les cas très rares où les explications ne pourront pas se donner en langue étrangère » (selon SIMONNOT E. 1901, p. 27).

 

Ch. Schweitzer de la méthode directe illustre bien son rôle fondateur dans la MD :

La méthode directe est celle qui enseigne les langues sans l’intermédiaire d’une autre langue antérieurement acquise. Elle n’a recours à la traduction ni pour transmettre la langue à l’élève, ni pour exercer l’élève à manier la langue à son tour. Elle supprime la version aussi bien que le thème.

 (Enseignement de la langue allemande, Première année, Livre du maître, A. Colin, 1904, Avant-propos, p. V).

 

Le tableau suivant (Puren, 1998) peut résumer les principes de la méthode directe

 

Pour l’enseignement…

la méthode directe utilise…

sans passer par l’intermédiaire…

du sens des mots

les procédés dits « intuitifs » (gestes, objets, mimiques,

exemples)

du mot français correspondant

(Instruction 1902)

de la grammaire

les exemples

de la règle (Instruction 1902)

du sens des phrases

et des textes

la compréhension globale

des différents mots isolés

(LAUDENBACH et GODART, 1903)

de la littérature

les textes et les œuvres des

grands écrivains

des précis, résumés ou cours magistraux (Instruction 1908)

 

2.2 La méthode orale

 

La méthode orale, déjà pronée dans la MT et dans les CTOP sera développée dans la MD.

Puren, précise que « l’expression de « méthode orale » désigne ici l’ensemble des procédés et des techniques visant à la pratique orale de la langue en classe (…) il s’agit plus exactement d’une méthode audio-orale, les productions orales des élèves constituant principalement dans la MD une réaction aux solicitations verbales du professeur.» (Puren, 1998)

 

Les instructions de 1901 à 1908 viendront renforcer l’importance donnée à la méthode orale dans les deux premières années d’enseignement pour assurer en premier lieu la maîtrise de la prononciation : « La méthode orale fait tout d’abord l’éducation de l’oreille et des organes vocaux. Elle se fonde essentiellement sur la prononciation. Donner aux élèves une bonne prononciation sera donc la première tâche du professeur. » (Instruction de 1901). Un soucis déjà affiché, une dizaine d’année plus tôt  dans l’instruction de 1890 mais qui se résumait alors à la première année.

 

Progressivement, les instructions vont donner à l’oral une priorité sur l’écrit. La forme écrite d’un mot nouveau ne doit apparaître qu’après que la prononciation correcte est assurée, afin d’éviter les interférences dues au code orthographique :

 

Tous les efforts du professeur devront tendre à obtenir dès le début une prononciation et une accentuation exactes. Afin d’y parvenir, il prononcera lui-même les vocables lentement et en séparant les syllabes, les fera répéter tantôt par un seul élève, tantôt par plusieurs, tantôt par l’ensemble de la classe, jusqu’à ce qu’il ait obtenu une reproduction exacte des sons qu’il a émis. Alors seulement il écrira le mot au tableau. Il pourra ensuite faire prononcer le mot écrit. Si l’image orthographique amène des hésitations, il effacera le mot et recommencera l’exercice de prononciation. (Instruction de 1902)

 

La priorité de l’orale sur l’écrit, pendant la première période de la MD, se traduira par la mise en place au début de l’apprentissage d’une « petite période initiale purement orale”. Maiscette possibilité n’a sans doute guère été utilisée dans la pratique par les professeurs, peu à l’aise, comme leurs élèves, dans une méthode orale intégrale». Ceux qui l’ont testée constatent « qu’après deux mois tout le profit pédagogique qu’on pouvait tirer de cette méthode était acquis. » C’est la conclusion à laquelle arriveront de même plus tard les auteurs des cours audiovisuels de première generation.

Par ailleurs, la prééminence de la méthode orale dans les débuts de l’apprentissage amène les méthodologues directs à poser le problème que l’on appellera plus tard du « passage à l’écrit » dans des termes assez semblables à ceux des cours audiovisuels de la première génération : « Quand il [l’enseignement écrit] intervient, ce n’est d’abord que comme l’auxiliaire et le suivant de l’oral, [...] moyen de fixer par l’écriture des vocables et des formules que l’élève sait déjà employer de vive voix. » (CAMERLYNCK G. 1903, p. 487)

 

2.3 La méthode intérrogative

 

La méthode interrogative contribue à développer les interactions orales enseignant-élèves dans les activités de type « conversation » où les questions du professeur, généralement ponctuelles et fermées, visent dans les premières années à un réemploi très dirigé des formes linguistiques, a commencé à se généraliser très tôt dans les CTOP, permettant ainsi un fort développement de la méthode orale. Il y a cependant parmi les méthodologues directs deux tendances privilégiant chacune l’une des deux fonctions différentes de cet exercice de conversation directe dans la deuxième et la troisième période, à la fois exercice de réemploi dirigé et exercice d’expression libre.

 

Les méthodes imitative, interrogative et répétitive, sur lesquels reposent également la MD, viennent renforcer l'usage de l'oral. Par la méthode imitative "l’enfant apprend en imitant, avant même de les comprendre, les sons produits par ses proches"; la méthode interrogative "sollicite en permanence l’attention et les réponses orales des élèves directement en langue étrangère" et dans la méthode répétitive "les formes linguistiques se gravent dans l’esprit de l’enfant grâce à une audition et à un réemploi permanents et intensifs."

 

 

En conclusion, certes dans la MD, l’acquisition de l’oral est prédominante tout comme l’étude de la prononciation, cependant les activités orales ne favorisent pas la communication et les interactions. Par ailleurs, ces activités exigeaient des professeurs une excellente maîtrise de la langue orale sans pour autant offrir un recyclage massif des enseignants ce qui conduira, entre autre, à l'échec de la MD.

 

Annexes

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LE TABLEAU

Tu vas au tableau. Tu es allé au tableau. Maintenant tu es au tableau. Le tableau est accroché au mur. Tu montres les angles du tableau. Tu comptes les angles du tableau. Le tableau a quatre angles ; il est carré. Le tableau est en bois. La couleur du tableau est noire.

Dans la classe il y a deux tableaux. Tu prends un morceau de craie et tu écris un mot au tableau : « porte-plume ». Tu lis le mot ; maintenant tu l’épelles. Le mot « porte-plume » a quatre syllabes. Tu prends l’éponge et tu effaces le tableau. Ne fais pas de poussière.

ORDRES. Va au tableau. (Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu as fait ? Qu’est-ce qu’il a fait ?, etc.) Où est-ce que tu es maintenant ? Montre les angles du tableau ; compte-les ; prends un morceau de craie ; écris un mot ; épelle-le : compte les lettres... les syllabes : prends l’éponge : efface le tableau ; ne fais pas de poussière.

EXERCICE (Répondre aux questions). Où va l’élève ? Où est accroché le tableau ?

Combien est-ce qu’il y a de tableaux dans la classe ? Comment est le tableau ? Est-ce que le tableau est blanc ? Combien de syllabes a le mot « porte-plume » ? Combien de lettres a ce mot ? Qui est allé au tableau ? Quel mot est-ce que l’élève a écrit au tableau ? En quoi est fait le tableau ?

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3. L'oral dans la méthodologie audio-orale

La méthodologie audio-orale (MAO) est née avec l’entrée en guerre des Etats-Unis, au cours de la deuxième guerre mondiale, qui a créé le besoin de former rapidement des militaires aux langues vivantes étrangères.

Cette méthode, qui a provoqué un grand bouleversement dans le milieu scolaire, n’a duré en réalité que deux ans. C’est dans les années 1950 que des spécialistes de la linguistique appliquée comme Lado, Fries, etc. ont crée la méthode audio-orale en s’inspirant des principes de la méthode de l’armée.

Pour Puren (1988:297) la MAO américaine, comme la méthodologie directe française, un demi-siècle plus tôt, a été créée en réaction contre la méthodologie traditionnelle dominante aux USA à cette époque.

Le but de la MAO était de parvenir à communiquer en langue étrangère, raison pour laquelle on visait les quatre habiletés afin de communiquer dans la vie de tous les jours.

Cependant au niveau des pratiques pédagogiques, on continuait à accorder la priorité à l’oral. On concevait la langue comme un ensemble d’habitudes, d’automatismes linguistiques qui font que des formes linguistiques appropriées sont utilisées de façon spontanée.

On considérait que chaque langue a son propre système phonologique, morphologique et syntaxique, et du fait la conception universaliste était écartée.

Comme on ne considérait pas le niveau sémantique, la signification n’occupait pas une place prioritaire en langue étrangère. C’est pourquoi le vocabulaire était relégué au second plan par rapport aux structures syntaxiques. 

Pour les débutants, l’apprentissage passe par les étapes (Martinez 1996 : 56-59) :

a) audition et compréhension;
b) expression orale;
c) lecture (assez tard);
d) rédaction.

Il n’est pas fait référence à l’écrit dans les premières étapes, donc priorité de l’oral avec des exercices de répétition et de discrimination auditive.

L’enseignement de la prononciation exige une exposition auditive intense aux sons nouveaux à percevoir, opposés aux sons voisins de la langue maternelle; l’enseignement auditif est suivi d’exercices de production. 

Des “phrases-patrons” (pattern sentences) ou phrases-modèles servent à introduire et à pratiquer la langue parlée par des substitutions sur l’axe paradigmatique (par exemple, la pronominalisation), les additions sur l’axe syntagmatique (par exemple, l’insertion de certains éléments à certains endroits de la phrase) et des transformations (par exemple, la nominalisation, le passif), des intégrations (réunir deux phrases en une phrase) ou même des transpositions.

Chaque “pattern” contient une structure productrice qui, une fois maîtrisée, permettra de générer de nouveaux énoncés par substitution lexicale.

Ces “patterns” sont travaillés dans des exercices (drills) conçus pour mettre en évidence les changements de formes ou d’organisation qui se produisent dans les structures: ces exercices s’appellent pattern-drills ou exercices structuraux.

Il s’agit de faire acquérir des structures syntaxiques sous forme d’automatismes, dans une progression rigoureuse.

-les phrases-modèles sont insérées dans un dialogue ou hors-dialogue à apprendre par cœur.
-pratiquées jusqu’à ‘surapprentissage’, les phrases-modèles deviennent des habitudes quasi-réflexes selon un conditionnement du type : stimulus – réaction – renforcement, la réponse en est associée automatiquement à toute réapparition du stimulus.
-on limite strictement la quantité de vocabulaire introduit, jusqu’au moment où un nombre suffisant de structures est acquis par l’apprenant.
-on évite la traduction dans les deux sens

4. L'oral dans les méthodologies audio-visuelle

La méthodologie audiovisuelle (SGAV) domine en France dans les années 1960-1970 et le premier cours élaboré suivant cette méthode, publié par le CREDIF en 1962, est la méthode “Voix et images de France”. Selon C. Puren, la MAV française est une méthode originale, parce qu’elle constitue une synthèse inédite entre l’héritage direct, la méthodologie induite par les moyens audiovisuels et une psychologie de l’apprentissage spécifique, le structuroglobalisme.

 

4.1 Supports et activités d'apprentissage

a- Le support audiovisuel

Les activités d'apprentissage de l'oral dans les méthodes audio-visuelles reposent sur des supports sonores. Elles consistent à écouter, à répéter jusqu'à imiter et à comprendre d'où l'importance de présenter aux  élèves des modèles sonores parfaits, lesquelles étaient souvent enregistrées sur une bande par d’authentiques voix étrangères car seul le magnétophone donnait une totale garantie d’imperturbabilité. L'imitation parfaite étant visée, l'élève devait devait répéter jusqu'à supprimer toute prononciation défectueuse. En aucun cas, la structure n’était pas répétée par le maître, qui risquait de modifier l’intonation correcte par souci de correction de l’erreur visée. L'écoute est un préalable indéniable, il faut entendre pour répéter correctement. Enfin, la compréhension, en particulier pour les méthodologues sgavistes, était indissociable de la production, il faut comprendre ce que l’on doit répéter. A cet effet, l’image était un procédé très utile. Car elle aidait à résoudre au mieux le problème en permettant de créer la situation qu’illustrait le signal sonore. Néanmoins, l’image était toujours réduite à l’essentiel. Les méthodologues recommandaient de se passer des images dès que possible, et le plus souvent possible. 

En Afrique, lorsque cette méthode a été appliqué dans les écoles, les supports sonores, trop coûteux ont fait défaut. Le support visuel était composé de figurines placées sur un tableau feutre. La voix de l'enseignant constituait le seul support sonore avec tout ce que cela impliquait en terme de transfert d'erreurs phonétiques, ce qui va à l'encontre même des principes des méthodes audiovisuelles. 

 

b- Les exercices structuraux

Parmi les activités phares des méthodes audio-visuelles, les exercices structuraux venaient en premier plan. Nous définirons les exercices structuraux comme tout exercice ayant pour but de faire acquérir la maîtrise d’une structure linguistique par la manipulation systématique de cette structure dans une série de phrases construites sur un modèle unique ou pattern proposé au début de l’exercice ; et visant à faire acquérir un certain comportement linguistique par conditionnement (Cuq, J‐P.(dir) (2003).

D’un côté, le béhaviorisme et le distributionnalisme vont poser les principes pédagogiques d’imitation et de mémorisation des dialogues oraux indispensables aux exercices structuraux (Puren, 1988) ; et de l’autre, le structuralisme constituera à proprement parler le noyau dur de ce type d’exercice. La méthodologie des exercices structuraux procède d’après l’ordre naturel : elle va de l’oral à l’écrit. Les exercices structuraux visent à immerger l’étude de la langue dans l’oral par la succession ordonnée des phases de phonologie, de grammaire et d’improvisation orale. Nonobstant, on constate que, dans les exercices structuraux, il est question de « règles ». Cependant, ces règles ne sont pas explicitées en tant que telles. Les élèves sont en contact avec des modèles de transformation et de substitution qu’ils utilisent afin d’assimiler la structure de la langue. Pour ce faire, les exercices structuraux utilisent diverses techniques d’expression et de travail qu’il convient d’étudier en profondeur. Selon que l’on tient compte des grandes catégories seulement ou des possibilités de combinaison des différents types entre eux, le recensement aboutit à des chiffres très variables. Delattre (1971, p.18) en recense 12 catégories : Répétition, Substitution (substitution simple, Progression multipartite, Substitution par expansion ou réduction, corrélation), Transformation, Expansion, Combinaison, Dialogue dirigé (contradiction, injonction, question‐réponse) et Complétion. Nous allons traiter uniquement la répétition, la substitution et la transformation. Nous retiendrons ces catégories car elles sont les plus employées. Les exemples présentés ci‐ dessous sont tirés de Delattre (1971). 

REPETITION : C’est l’exercice structural le plus simple, si simple que les théoriciens du domaine hésitaient presque à le classer parmi les structuraux. Il est cependant fondamental et sert de point de départ à la plupart des autres exercices.   Exemple :

Le professeur est ici.

Le livre est ici.  

Le crayon est ici.

Tu cherches l’école ?  

Tu cherches l’église ?        

Tu cherches l’hôtel ?          

Où sont les cahiers ?  

Où sont les chaises ?

Où sont les cinémas ?

Voilà la gare.   

Voilà les étudiants

Voilà la bibliothèque.

Voilà les enfants.

Voilà la table.   

Voilà les autos.  

 

Dans cet exemple, on présente l’article défini. Préalable écoute et répétition, l’exercice vise l’étude de différentes formes de l’article défini. Le but de ce genre d’exercice est celui de remplacer l’explication grammaticale. Le point de grammatical est présenté ici dans un contexte linguistique que les partisans de ce type de grammaire considéraient comme « authentique». La répétition des phrases par les élèves permet aux habitudes articulatoires de se développer parallèlement aux habitudes auditives. A l’époque, on considérait que l’articulation et la prosodie (rythme, intonation) étaient des outils d’aide à la compréhension qui renforçait le pouvoir à la rétention des modèles structuraux. A cet effet, Delattre (1971, p.46) indique quelques indices pédagogiques qui en témoignent : « il est essentiel d’expliquer aux élèves dès le début que le but d’un tel exercice n’est pas de leur enseigner le français par osmose mais que l’activité cérébrale est aussi nécessaire que celles des organes de l’ouïe ou de la parole ». Mais pour ce faire, il est absolument nécessaire que les élèves comprennent ce qu’ils sont en train de faire. Il fallait en quelque sorte les entraîner au procédé de travail suivant : Attirer leur attention sur ce qu’ils entendent et répètent, leur faire trouver, une fois l’exercice de répétition terminé, l’élément morphologique ou syntaxique nouveau pour eux. Grosso modo, il s’agissait de comprendre le sens grammatical d’une opposition structurale sans formuler de règle.    

 

SUBSTITUTION : Cet exercice d’inspiration distributionnaliste est un exemple type d’application de théorie linguistique.Il considère chaque phrase comme composée d’un certain nombre de segments, chacun situé dans une case dont la position par rapport aux autres cases est fixe. Chaque case ne peut recevoir qu’une certaine classe de segments. En substituant un segment à un autre à l’intérieur d’une même case, la structure générale de la phrase reste fixe mais son contenu sémantique change. Il existe trois variantes de cet exercice :   La substitution simple qui ne s’opère que dans une case, toujours la même tout au long de l’exercice et elle ne doit pas entraîner de modification dans les autres cases. Il s’agit uniquement d’une transformation de la phrase sur le plan sémantique exclusivement.  

EXEMPLE : Il dit à son ami de venir ______demande______(demander) ______propose_______(proposer) ______conseille_______(conseiller) ______répondre______(répondre)

Exercice sur les verbes à deux compléments (Object Direct et Indirect avec la préposition de). La répétition est censée initier les élèves à une certaine structure tandis que l’exercice de substitution leur permet de commencer à assimiler cette structure. De cette manière, l’élève apprend ainsi à en reconnaître les possibilités et les limites Bien que cet exercice puisse servir à l’enseignement du vocabulaire, il est souvent utilisé pour exercer les élèves à l’emploi d’une certaine structure. C’est pour cela qu’on doit utiliser un vocabulaire déjà connu afin de laisser l’attention se concentrer sur le mécanisme grammatical et non sur le sens de mots nouveaux. Normalement, l’exercice de substitution simple est préparatoire à d’autres exercices plus difficiles. La substitution en progression multipartite au lieu de faire la substitution dans une seule case, elle la fait alternativement dans deux cases sans rien changer de la structure grammaticale. Les élèves doivent, à chaque nouveau segment qui leur est donné, déterminer immédiatement à quelle case il appartient, donc identifier la nature grammaticale du segment (nom, verbe, adjectif).

EXEMPLE   (Progression tripartite)          

Elle cherche un quartier tranquille. ‐‐‐‐‐(              )‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐. (trouve) ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐(             )‐.(élégant) ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐(              )‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐.(chapeau) ‐‐‐‐‐(              )‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐.(prend) ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐(              )‐.(rouge) ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐(             )‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐.(livre) ‐‐‐‐‐(              )‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐.(achète) ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐(                )‐.(intéressant) ‐‐‐‐‐(              )‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐.(cherche)

Le choix de la case dans laquelle l’élève opère la substitution étant libre, ils apprennent à distinguer parmi les diverses catégories de mots. Cet exercice leur fait ainsi explorer les possibilités de variation sémantique au sein d’une structure donnée. Les exercices de progression multipartite peuvent servir à la fois d’exercice d’assimilation d’une certaine structure grammaticale et d’assimilation d’un vocabulaire récemment appris.  La substitution par expansion ou réduction au lieu de maintenir dans la phrase modèle un nombre de cases fixes, chaque segment substitué remplissant une seule case, les substitutions faites dans ce genre d’exercice augmente ou diminuent le nombre des cases. La phrase de base s’allonge ou se réduit.  

Il  est arrivé   (hier soir) Il est arrivé hier soir (le garçon) Le garçon est arrivé hier soir (le jeune garçon) Le jeune garçon est arrivé hier soir (hier soir à neuf heures) Le jeune garçon est arrivé hier soir à neuf heures (le jeune garçon blond) Le jeune garçon blond est arrivé soir à neuf heures précises

Aux variations sémantiques obtenues dans les exercices précédents s’ajoute ici un enrichissement de structure progressif qui permet aux élèves de sentir le lien entre le simple et le complexe et d’explorer les possibilités d’expansion ou de réduction d’une phrase.   La substitution par réduction procède en sens inverse, à partir d’une phrase très longue dans laquelle on réduirait progressivement sa longueur des syntagmes ce qui diminuerait chaque fois le nombre de case à remplir. La corrélation est l’un des exercices les plus employés de la méthode audio‐orale car il permet d’apprendre à manipuler toute la morphologie de la langue sans jamais la séparer de la syntaxe ni isoler les formes le unes des autres. Il remplace les paradigmes par lesquels on apprend généralement les conjugaisons, les pronoms, etc.  

J’aime    bien mon    cours de français ‐‐‐‐‐‐‐‐‐    bien mon     cours de français (Nous) Nous aimons bien mon    cours de français (Jacques) Jacques aime bien mon    cours de français (Jacques et Claude)

 

TRANSFORMATION : Au lieu de transformer progressivement une phrase modèle en en substituant un segment à un autre, les élèves entendent une série de phrases données par le professeur et y opèrent chaque fois un changement grammatical selon les instructions reçues.

EXEMPLE   demande où est Jean On me dit qu’il est absent J’ai demandé où était Jean On m’a dit qu’il était absent

Concordance des temps dans le style indirect.  Pour chaque nouvelle phrase entendue, ils font la même transformation. La structure des phrases peut varier ou non. L’essentiel est que l’opération de transformation porte sur le même point grammatical.  L’exercice de transformation est basé sur le principe essentiel de l’opposition. Chaque exercice fait travailler une des oppositions grammaticales qui caractérisent la structure de la langue étudiée.   Les exercices structuraux étaient conçu pour permettre l’acquisition des nouvelles habitudes linguistiques menant éventuellement à un automatisme de réaction suffisant pour que l’effort de celui qui parle ou qui écrit puisse se porter sur la communication de sa pensée et non sur les mécanismes d’expression. 

 

Les exercices structuraux ne constituent pas un programme formel d’apprentissage que sous trois conditions :  

1. Les exercices progresseront par « unités élémentaires »

2. Chaque réponse émise par l’étudiant recevra une confirmation immédiate du professeur.

3. Le cours sera présenté et administré de façon que chaque étudiant puisse avancer au rythme qui lui convient (l’on peut entendre ici un début de pédagogie différenciée).   Malgré la référence à la linguistique distributionnelle, la nature des exercices structuraux n’est pas fondamentalement différente de celle des exercices directs de permutation et de substitution. Ce qui est nouveau dans les exercices structuraux, c’est la importance primordiale dans la stratégie d’enseignement et le caractère intensif que va conférer à leur seule forme orale de l’application des principes de la psychologie béhavioriste. La première tâche des élèves est celle d’imiter une expression qui devait être divisée en trois temps. D’abord l’apprenant devait apprendre à entendre les traits caractéristiques des sons avant de pouvoir les reproduire. Ensuite, il se suivait une étape de prononciation. Au début, il était fort conseillé de commencé par des expressions de deux ou trois syllabes maximum.  

 

c- Les exercices à trous

Par sa proximité avec les exercices structuraux notamment ceux d’expansion et de substitution, nous allons traiter très sommairement dans cette rubrique les exercices à trous. Ils peuvent relever de l’écrit et de l’oral. Leur principe est de proposer à l’étudiant un paradigme d’unités et de lui demander d’insérer chacune d’entre d’elles dans le « trou » qui lui est approprié et qu’on ménagé à cet effet dans une suite d’exemples ou dans un dialogue continu (Besse, H & Porquier, R. (1991), p. 124). Ils portent donc sur les connexions et les relations syntagmatiques que les unités linguistiques, quelque soit leur niveau, entretiennent conventionnellement entre elles. L’exercice à trous paraît très répandu en didactique des langues même s’il ne porte pas toujours ce nom.  

Complétez par les articles partitifs ou les articles définis appropriés : du, de la, de l’, le, la, les. 1. A midi, j’ai mangé… viande.‐ 2. Aujourd’hui, … oranges sont chères.‐ 3. Vous prenez… Sucre ?‐ 4. Si vous voulez maigrir, faites …gymnastique.‐ 5. Vous aimez… beurre ?   6. Pour préparer ce plat, il faut… jambon ?‐ 7. Michel me demande… argent.‐ 8. A midi, Je bois toujours… café.  

Dans cet exemple, les phrases à trous présupposent certains contextes sans les expliciter. Cependant ce qui détermine les « bonnes » réponses d’un exercice à trous, ce n’est donc pas tant sa consigne que les présupposés contextuels à partir desquels il a été élaboré. Réussir l’exercice, c’est retrouver, consciemment ou non, ces contextes originels qui régissent de fait l’emploi des unités appropriées aux trous. C’est particulièrement patent quand ceux‐ci portent non sur les mots grammaticaux, relevant des paradigmes fermés, mais sur les lettres, les noms, les verbes, les noms, les syntagmes ou les phrases, relevant de paradigmes beaucoup plus ouvert. Cependant, tel que Verdelhan (1982, p. 33) le précise « on perçoit bien (…) toute ambigüité de l’exercice à trous : l’élève est invité apparemment à prendre la parole, en réalité il doit s’inscrire dans l’énonciation d’un autre », c’est‐à‐dire, qu’il doit retrouver, sans qu’on lui donne forcément les moyens, les conditions de production et de reconnaissance du discours que constitue l’exercice. Par conséquent, les exercices à trous, de la même manière que les exercices structuraux, ne peuvent développer une réelle compétence de la langue, puis qu’ils privent l’apprenant de son autonomie énonciative. Ceci dit, ils constituent un bon moyen d’apprentissage si on n’impose à la seule et unique « bonne » réponse des réponses pouvant être justifiées contextuellement par les apprenants.  

   

4.2 Comparaison SGAV et MD, MAO 

La méthodologie SGAV (“Voix et Images de France”), mise au point par le CREDIF au même moment que les patterns-drills aux Etats-Unis, présente des ressemblances avec cette dernière méthode qu niveau de la place qu'elle accorde à l'oral :
- même insistance sur la prononciation. Il faut faire en sorte que les sons les plus difficiles à assimiler soient présentés aux apprenants dans les structures phonétiques les plus efficientes, parce que scellées dans un rythme et une intonation qu’il importait avant tout de faire imiter servilement : « L’imitation juste de l’intonation et du rythme est bien plus importante que la prononciation correcte d’un son » (Renard, 1993, p 19). Pour que les phonèmes étrangers soient perçus correctement, il fallait les associer à d’autres dans des conditions particulièrement favorables de tension, d’intensité et de hauteur.
- le sens n’est jamais négligé. Pour les méthodologues de St‐Cloud‐Zagreb, la compréhension était indispensable, bien qu’elle reste subordonnée à l’audition La discrimination était un procédé clé dans cette démarche. Chaque exercice se composait d’une série de stimulus dont chacun contenait le son à acquérir en fin de séance. Il s’agissait d’amener l’élève à une discrimination automatique. Ce conditionnement discriminatif avait deux buts : ‐que l’élève apprenne à entendre le son français et ses traits caractéristiques avant de pouvoir le reproduire. ‐que l’élève puisse évaluer sa propre prononciation.   Cette phase de discrimination était suivie une phase de vocalisation qui servait à affiner la prononciation des expressions. On observe que l’entrée dans la langue est purement orale, car le son était l’outil de base pour l’apprentissage de la syntaxe et de lecture. En effet, c’est à partir du son que les élèves vont comprendre et apprendre à se servir des fonctions grammaticales. Cette conception de l’apprentissage de langue éliminait d’emblée tout enseignement explicite de la grammaire.   L’essentiel du travail d’apprentissage va donc consister : ‐en répétitions orales intensives aux fins de mémorisation des phrases‐modèles des formes linguistique. ‐en manipulation orales intensives aux fins d’ « automatisation » des structures. L’accent est particulièrement mis sur l’intensité des manipulations structurales orales, portées à un point de « sur‐apprentissage » où les réponses sont supposées devenir réflexes, et les acquis définitifs. Le laboratoire de langues deviendra alors l’outil par excellence des exercices structuraux. 

 

Pour la méthode directe ce sont les images qui servent de point de départ pour une compréhension directe, c’est-à-dire sans passer par la langue maternelle. Cette méthode s’appliquera aussi bien à l’enseignement du lexique (sans recourir à la traduction en langue maternelle) qu’à l’enseignement grammatical (sans l’intermédiaire de la règle, l’apprenant saisit les règles de manière intuitive). Comme la méthode directe, la méthode audiovisuelle s’appuie sur un document de base dialogué conçu pour présenter le vocabulaire et les structures à étudier. La forme dialoguée du document de base audiovisuel vise en particulier à faciliter son exploitation exclusivement orale en classe, en fournissant aux élèves les modèles directement réutilisables. Le support audiovisuel remplace donc le support écrit. La forme “dialoguée” du dialogue de base vise à faciliter son exploitation orale en classe. L’accent est placé dès le début sur la correction phonétique en évitant les interférences de la graphie.

 

La méthode active est présente dans la MAV puisqu’on sollicite l’activité de l’élève à travers l’image qui stimule la motivation. Les personnages présentés dans les dialogues se veulent proches des élèves afin qu’ils s’identifient à eux. La méthode interrogative est utilisée car la MAV considère nécessaire « un dialogue constant entre le professeur et la classe » (Dabène et alii, 1976) sans que celle-ci ne dépende entièrement de lui. En effet, grâce au support audiovisuel il est possible de rompre le face à face élève-professeur. Dans les dialogues des cours audiovisuels, la densité des questions-réponses des personnages, outre qu’elle leur donne une allure plus vivante, permet de faire apparaître des variations structurales significatives (changements dans la morphologie verbale et pronominale, dans l’ordre des mots,...). « les questions et réponses sont l’architecture de l’explication, elles la structurent pour les élèves » (Livre du maître, Didier, 1969, p. 16). 

 

La filiation entre la MD et la MAV est d’autant plus nette sur ce point que la méthode interrogative était beaucoup moins développée dans la MAO.C’est d’ailleurs, implicitement mais très clairement, aux exercices structuraux audio-oralistes que veulent par ce procédé s’opposer les auteurs des exercices de laboratoire de VIF 1 :

 

Nos exercices visent à rendre réflexes, en les faisant pratiquer dans des exemples multiples et variés, les mécanismes de base de la langue. Mais nous n’avons pas voulu que cette acquisition se fasse sans la participation consciente et intelligente de l’élève. [...] Aussi avons-nous écarté, par exemple, les exercices qui, sous prétexte de mécaniser en série une construction, obligent l’élève à faire abstraction de ses données subjectives pour répondre successivement et indifféremment : Je suis grand, je suis petit, je suis américain, je suis français, je suis grec, etc. Nous avons donc fait appel à d’autres procédés qui répondent aux principes mêmes de VOIX ET IMAGES DE FRANCE, à savoir : la mise en situation du dialogue, c’est-à-dire des échanges questions-réponses. (VIF 1, Exercices pour le laboratoire de langues, Livre du maître p. 14, je souligne)

 

Alors que dans la MD la rigidité du schéma questions-réponses ne se relâchait que progressivement, au fur et à mesure des progrès des élèves, c’est dans la MAV à la fin de chaque leçon qu’est prévue dès les tout débuts de l’apprentissage une phase de « transposition » ou d’ « expression libre », dans laquelle aussi bien le support visuel que le professeur sont censés s’effacer pour laisser place à l’expression spontanée des élèves.

 

Les méthodes imitative et répétitive sont dans la MAV difficilement séparables, dans la mesure où, sous l’influence de la MAO, une partie significative (plus ou moins importante selon les cours et les professeurs utilisateurs) du travail d’assimilation linguistique va être confiée à des activités intensives d’imitation/répétition de modèles. La correction phonétique, tout d’abord, se fait à partir de répétitions systématiques par chaque élève de chaque réplique du dialogue de base, et elle est regroupée à cet effet dans une phase spéciale du schéma de classe située après la présentation et l’explication.Cette phase est d’ailleurs appelée de « répétition » par les auteurs de VIF 1, et est utilisée simultanément en vue de la mémorisation du dialogue. Bien que peu de cours audiovisuels proposent des exercices systématiques d’entraînement phonétique sur le modèle des exercices structuraux (comme par exemple La France en Direct 1), les méthodologues audiovisualistes, en raison du développement de la phonologie en Europe à partir de la fin de la Première Guerre mondiale, se montrent plus sensibles que leurs homologues directs aux possibilités d’application de la phonétique. 

 

Contrairement à ce qui s’était passé dans la MD, la démarche synthétique s’impose, l’accent étant mis au départ plus sur le respect du rythme et de l’intonation que sur la correction des phonèmes isolés.

À l’image de certains cours audio-oraux, certains cours audiovisuels proposeront d’ailleurs les textes des dialogues accompagnés de leurs schémas intonatifs, et parfois de leur transcription phonétique (La France en Direct I et Le Français et la Vie, par exemple). En ce qui concerne la correction des phonèmes, aux techniques de correction articulatoire, connues depuis la MD, viennent s’ajouter dans les cours influencés par la MAO : les techniques apportées par le structuralisme, en particulier les exercices de discrimination auditive et de prononciation sur les oppositions de « paires minimales » : ils ont/ils sont ; rateau/radeau ; avalé/affalé, etc. ;

 

CONCLUSION

Les cours audio-oraux et audio-visuels ont conduit rarement les apprenants au-delà du “niveau 1” de l’apprentissage : maîtrise active d’un contenu équivalent à celui du français fondamental 1-er degré, environ quatre cents heures de classe. La pratique de structures plus complexes et plus délicates que les mécanismes de base, la compréhension et la production d’énoncés plus longs ou de registres plus variés que ceux proposés aux débutants, l’approche des textes littéraires ou de spécialité, la découverte des contenus de culture et de civilisation ont été très peu et lentement abordés par les méthodes ci-dessus

 

5. L'oral dans l'approche communicative

L’approche communicative s’est développée en France à partir des années 1970 en réaction contre la méthodologie audio-orale et la méthodologie audiovisuelle. Il n’y a pas de rupture dans les objectifs entre les méthodes structurales et la méthode fonctionnelle comme cela avait été le cas entre les méthodologies directe et traditionnelle. La différence se situe au niveau de la compétence: pour les structuralistes l’important est la compétence linguistique tandis que pour les fonctionnalistes il faut privilégier la compétence de communication, c’est-à-dire l’emploi de la langue.

 

5.1 Compétence de communication

Dans l’approche communicative  la langue est conçue comme un instrument de communication ou d’interaction sociale. Les aspects linguistiques (sons, structures, lexique, etc.) constituent la compétence grammaticale qui ne serait en réalité qu’une des composantes d’une compétence plus globale: la compétence de communication. Les quatre habiletés ( compréhension orale, production orale, compréhension écrite, production écrite) peuvent être développées puisque tout dépend des besoins langagiers des apprenants. 

 

Elle prend en compte les dimensions linguistique et extralinguistique qui constituent un savoir-faire à la fois verbal et non verbal, une connaissance pratique du code et des règles psychologiques, sociologiques et culturelles qui permettront son emploi approprié en situation. Elle s’acquiert en même temps que la compétence linguistique. Il ne suffirait donc pas de connaître les règles grammaticales de la langue étrangère pour communiquer, il faudrait en plus connaître les règles d’emploi de cette langue (quelles formes linguistiques employer dans telle ou telle situation, avec telle ou telle personne, etc.). L’objectif est d’arriver à une communication efficace. Cette approche vise donc à ce que les apprenants, en communiquant, prennent en compte "la situation de communication (statut de l’interlocuteur, âge, rang social, lieu physique, etc.)" ainsi que "l’intention de communication (ou fonction langagière : demander d’identifier un objet, demander une permission, donner des ordres…)"

 

Comme on l'a souligné cette compétence de communication inclut une compétence de compréhension orale et de production orale. Des actes de compréhension ou de production (oraux et écris) seront listés et réaliser dans des activités ludiques et réalistes.

 

5.2 Les activités phares

L’approche communicative présente, pour la compréhension et la production orale de nombreuses activités d'apprentissage. Les activités phares sont les jeux de rôles et les simulations.

 

La simulation globale

F. Debyser initia le principe en 1986 avec l’Immeuble : « Une simulation globale est un protocole ou un scénario cadre qui permet à un groupe d’apprenants (…) de créer un univers de référence, un immeuble, un village, une île, un cirque, de l’animer de personnages en interaction et d’y simuler toutes les fonctions du langage que ce cadre, qui est à la fois un lieu thème de référence et un univers de discours, est susceptible de requérir. »
Les simulations globales sont des techniques intégrées aux méthodes communicatives et développées en vue de l’enseignement du FLE dans le but de résoudre le problème de l’illusion du réel en classe de langues tout en stimulant la prise de parole. L’enseignant fixe le scénario de départ, puis il est l’animateur et le médiateur,l’expert linguistique. Mais ce sont les élèves eux-mêmes qui vont construire le contexte et le faire vivre. Ce sont eux qui vont opérer les changements de situations, les rebondissements dans la situation. Ils vont construire l’immeuble, le remplir et le faire vivre, ils vont créer des personnages, les animer, leur prêter des intentions et des sentiments qui seront prétexte à des situations de communication et à des interactions. Des échanges verbaux et écrits seront nécessaires pour faire vivre ce monde virtuel. Les simulations globales sont des projets de longue haleine, recréer un monde ne se fait pas en une séance, et les nombreuses productions qui en découlent vont devoir être triées, répertoriées et conservées ; d’où l’intérêt d’avoir à disposition un ordinateur, qui évitera au maître du jeu et aux participants d’avoir à se soucier d’une conservation et d’un classement papier qui occasionneraient perte de temps et complications.
L'objectif général des simulations globales est l'autonomie de l'apprenant dans différentes situations de communication. Les simulations globales offrent l'avantage de passer par le fondement de l'écrit, de faire préparer les j eux de rôle éventuels par une série d'activités permettant de donner une épaisseur et une mémoire aux personnages et aux situations (Yaiche, 1996).
 

Les jeux de rôles

F. Debyser (1996/97 : 2) propose la définition suivante du jeu de rôle :

Un jeu de rôles, en didactique des langues, est un événement de communication interactif à deux ou plusieurs participants, simulé par les apprenants pour développer leur compétence de communication sous trois aspects : compétence linguistique, compétence sociolinguistique et compétence pragmatique. Cet événement de communication peut être préparé par les apprenants, mais doit laisser une marge à l’improvisation, sans lequel le jeu de rôle ne serait pas formateur et ne permettrait pas de travailler sur un des éléments essentiels de l’interaction réelle, à savoir l’aptitude à réagir à l’imprévu. À l’instar de la dramatisation, le jeu de rôle invite ainsi les apprenants à endosser le rôle d’un personnage, réel ou imaginaire, dans des situations fictives préétablies. Ces situations peuvent être réalistes et ambitionner de reproduire de manière « authentique » des scènes de la vie quotidienne ; elles peuvent également s’apparenter à des sketches, dans lesquels les traits physiques et psychologiques des personnages sont volontairement grossis, sous forme de caricature ; elles peuvent encore être fantaisistes ou absurdes (Debyser, 1976).

À la différence de la dramatisation, le jeu de rôle ne fournit pas le texte à jouer, seulement un squelette, qu’il s’agira d’habiller en actions et en mots. 

6. L'oral dans l'approche actionnelle

6.1 Définition selon le CECR

Pour définir l'approche actionnelle nous citerons le CECR

« La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. Il y a tâche dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement des compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. » (CECR, chap. 2.1, p. 15)

 

6.2 Principes de base de l'approche actionnelle

L’utilisateur de la langue est considéré comme un acteur social qui va agir dans les grands domaines de la vie sociale (personnel, éducationnel, professionnel, public). Dans chacun de ces secteurs il sera confronté à différents contextes. Par exemple, dans sa vie personnelle et  relationnelle : assister à un mariage ; dans sa vie professionnelle : faire un stage de formation. Ces contextes détermineront un certain nombre de situations. Par exemple, assister à un mariage suppose qu’on réponde à une invitation, qu’on fasse un cadeau, qu’on s’habille, qu’on félicite les mariés …

De ces situations découleront des tâches : rédiger un mot d’acceptation ou téléphoner pour remercier. Ces tâches pourront donc être langagières (féliciter les mariés) ou non langagières (se repérer dans un plan de table).

Elles mettront en œuvre :

- des savoirs (connaissance des rites du mariage, du milieu social dans lequel on va évoluer)

- des savoir-faire (faire un petit discours) - des savoir être (il y a des mariages où tout le monde s’embrasse, d’autres où l’on n’embrasse que les gens que l’on connaît, certains où les deux familles sont séparées, d’autres où femmes et hommes sont séparés, etc.)

- des savoir apprendre, autrement dit, la capacité à s’adapter à ces différentes situations. (1)

 

6.3 Le concept de "tâche"

Nous nous appuierons sur la définition qu’en donne le Cadre :

« Est définie comme tâche toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé. Il peut s’agir tout aussi bien suivant cette définition de déplacer une armoire, d‘écrire un livre, d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe ».

 

À l’origine de la tâche il y a donc un projet d’action sur l’environnement qui répond à un besoin, à une nécessité ou à un but qu’on s’est fixé. Une tâche peut être simple (commander un repas au restaurant) ou complexe (elle peut se décomposer en tâches simples). Elle peut être verbale ou non verbale. Supposons que je veuille déplacer une armoire. J’effectue une tâche non verbale. Mais j’ai besoin d’aide. Je peux aller sonner chez mon voisin pour lui demander un coup de main. J’accomplis alors une tâche langagière. Si, sur le palier je rencontre la gardienne de l’immeuble et que je lui dise quelques mots, c’est une autre tâche langagière. La tâche peut être individuelle (écrire une carte postale à un ami français) ou collective (faire une partie de dominos). Elle peut déboucher sur un produit concret (rédiger un blog en français) ou sur un simple échange verbal (discuter d’un projet de loi du gouvernement; faire une projection de diapositives sur un pays qu’on a visité). Nous reviendrons plus précisément sur ce concept mais d’ores et déjà on peut voir que la tâche n’est ni un exercice ni une activité quelconque de la classe et qu’elle ne se réduit pas à un projet (même si un projet prend souvent la forme d’une tâche). 

 

Dans la classe de langue on distinguera trois types de tâches :

• les tâches qu’on peut qualifier de naturelles parce qu’elles sont suscitées naturellement par le groupe social de la classe. Celui-ci accomplit des rites sociaux propres à la vie d’un groupe d’apprenants (interroger un voisin qui a été absent, demander une explication au professeur). Il peut aussi interagir avec les autres à partir d’un document qu’on lui propose (un article de presse, un tract, une publicité d’agence de voyage) exactement comme dans la vie courante. Les membres du groupe ont alors envie de parler d’eux, d’échanger des informations et des opinions. Le groupe peut aussi vouloir réaliser quelque chose (préparer une fête, apprendre une chanson, jouer une scène de théâtre). Notons qu’au cours de toutes ces tâches l’étudiant reste lui-même. Sa parole porte le poids de la vérité. Il ne joue pas à être le futur touriste ou le futur résident qu’il sera peut-être un jour dans un pays francophone. Il est pleinement acteur en français, dans la microsociété de la classe.

• les tâches simulées. Il est évident que l’espace classe ne peut pas générer de façon naturelle toutes les situations que l’étudiant rencontrera dans un pays francophone. Pour ACTES DU XIIème COLLOQUE PÉDAGOGIQUE DE L’ALLIANCE FRANÇAISE DE SÃO PAULO | 2011 11 apprendre à réserver une chambre d’hôtel, à acheter un billet de train ou à demander son chemin dans la rue, on aura recours à des activités de simulations. On jouera au vendeur et au client, on fera semblant d’être obligé de remplir une fiche d’hôtel ou d’avoir une panne de voiture.

• les tâches techniques ou tâches d’apprentissage. Tout apprentissage nécessite des moments d’observation de la langue, de conceptualisation, de mémorisation et d’automatisation des formes linguistiques ainsi que de mise en place de stratégies de compréhension et de production. Nous allons voir que ces moments sont généralement pris en charge au cours des activités que nous venons de présenter. Mais on ne pourra peut-être pas toujours se passer des exercices. Il nous a semblé cependant que certains exercices peuvent devenir des tâches s’ils satisfont aux conditions suivantes : - ils correspondent à un projet émanant de l’étudiant et par conséquent à une visée personnelle. Par exemple, deux étudiants ont décidé de mémoriser et d’automatiser ensemble la conjugaison du présent de quelques verbes. On leur fournit une technique créative : imaginer de petits dialogues. L’étudiant est alors conscient de ce qu’il fait et du pourquoi il le fait. - l’exercice a comme support de petits textes ou dialogues qui ont du sens au même titre que les autres documents de la méthode. Ils intéressent et suscitent des réactions. - le point de grammaire ou de vocabulaire est abordé selon une pédagogie de la découverte qui rend l’étudiant actif. La règle ne lui est pas donnée, c’est à lui de la déduire à partir d’activités concrètes de repérage et de classement. En présentant quelques exemples de ces procédures de travail par tâches, nous examinerons comment elles permettent l’acquisition des compétences.

 

6.4 L'enseignement de l'oral

Contrairement aux méthodologies qui font de l'oral leur centre d'intérêt l'approche actionnelle est centrée sur la tâche et l'oral comme l'écrit sont des moyens mobilisés pour réaliser ladite tâche. L'oral comme l'écrit sont là pour agir et faire agir. Autrement dit les tâches communicatives sont définies par un verbe de « communication » (rédiger, écrire, annoncer) et sont construites autour des 5 activités langagières (CE, CO, I, PE,PO). Elles sont au service de l'accomplissement de la Tâche.

 

Toutefois, il est important de rappeler que concrètement l'oral est priorisé. L'Interaction Orale constitue même l'activité langagière principale. On passe la majeure partie du temps d'utilisation d'une langue à la parler avec d'autres : nous sommes des acteurs sociaux, selon le terme du CECRL.

 

Quelques exemples de tâches finales à l'oral

Faire jouer une conversation téléphonique 

Jouer la scène d'un film ou d'une pièce de théâtre

Imaginer les décors pour une scène et présenter ses propositions à la classe

Faire un débat en classe - Faire des mini tables rondes avec un animateur (assistant par exemple)

Enregistrer des émissions de radio avec Audacity

Réalisation d’un spot publicitaire

Présenter son affiche de présentation à la classe

Mettre en scène et jouer le jeu de rôles

 

(1) ACTES DU XIIème COLLOQUE PÉDAGOGIQUE DE L’ALLIANCE FRANÇAISE DE SÃO PAULO | 2011 4

 

6.4 Comparaison entre approche communicative et approche actionnelle

Si les deux approches sont toutes deux partisantes du renforcement du travail de pratique de l’oral par rapport à l’écrit, il existe quelques divergences entre elles. La centration dans l’approche communicative est faite sur l’apprenant. On travaille souvent sur des situations de communication à deux. En revanche dans l’approche actionnelle, la centration est faite sur le groupe classe.

Dans l’approche actionnelle, la communication ne s’effectue plus seulement en vase clos mais dans un espace social qui peut être plus ouvert. Mais cette notion d’espace social est à nuancer. En effet si la tâche finale correspond à une représentation théâtrale, nous sommes bien dans un espace social, où la langue sera au centre du dialogue, pour être vue, comprise et interprétée par des acteurs, pour un public.

Mais si l’on choisit l’élaboration en co-action d’un jeu comme tâche finale (construction d’un jeu de Page 11 l’oie par exemple), ce ne sera pas nécessairement dans un espace social mais plutôt en relation avec l’interdisciplinarité. En revanche cette action peut s’effectuer dans un espace social si ce jeu de l’oie est par exemple utilisé dans la langue lors d’une kermesse, avec un public extérieur. Quand l’approche communicative propose des situations réelles mais simulées, l’approche actionnelle met l’apprenant dans une situation d’apprentissage authentique avec pour finalité de former l’élève à être un acteur social. La prise d’autonomie dans l’approche actionnelle est beaucoup plus forte puisqu’elle appartient au groupe, ou à l’individu au sein de l’espace groupe. Les décisions sont donc collectives et servent à la conception du projet commun.

A contrario, dans l’approche communicative, la prise de décision est bien individuelle mais elle ne sert qu’à une préparation linguistique dirigée par la situation simulée proposée. Le but dans l’apprentissage est aussi différent, car en approche communicative on cherche à valider la transmission de l’information, alors qu’en approche actionnelle, on y ajoute la réussite ou non du projet porté par les élèves et plus généralement la réalisation d’une tâche. De plus, on sait que l’action dans un environnement de langue étrangère est imprévisible.

Contrairement à l’approche communicative qui répertoriait des situations et des exercices typiques de communications en langue étrangère à simuler en classe (se présenter, donner son âge, demander le prix d’un article…), l’approche actionnelle prépare l’apprenant à utiliser la langue dans des situations imprévues (comme dans la vie courante où l’on ne connait pas à l’avance le contenu du dialogue). On donne alors à l’apprenant les armes pour communiquer et agir dans n’importe quelle situation. 

 

Il existe une autre interprétation de ces deux approches, celle de Claire Bourguignon (2007), qui parle d’approche communic’actionnelle. Dans cette approche hybride, l’apprentissage et la réalisation de la tâche sont concomitants. C’est au travers des démarches communicatives que se réalise l’action. Il y a donc « fusion » entre action et communication : la communication devient action.

Bibliographie

BERARD, E.( 1991) L'approche communicative. Théorie et pratiques, Coll. Techniques de classe, Clé International, Paris.

BOURGUIGNON Claire (2006), De l’approche communicative à l’approche communic’actionnelle : une rupture épistémologique en didactique des languescultures , in Synergie Europe La richesse de la diversité : recherche et réflexions dans l’Europe des langues et des cultures.Claudette Cornaire, Claude Germain, La compréhension orale, Ed Clé, International, France, Janvier 1998.

CUQ, J‐P.(dir), 2003, Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Paris : CLE International.

CIEP (1996/97), Les jeux de rôles, par F. Debyser (exemple de jeu de rôle précontraint p. 5- 6 ; exemple de jeu de rôle de simulation globale, p. 6-7-8 et annexe 4), repéré à http://www.ciep.fr/sources/memoire-du-belc/docs/les-jeux-de-roles/ Éditions Didier (2000), 80 fiches pour la production orale en classe de FLE, par A. Pacthod et P.-Y. Roux (exemple de jeu de rôle ouvert p. 67, fiche 56, le Retardataire), repéré à http://www.editionsdidier.com/files/media_file_9081.pdf

MOIRAND, S.(1982) Enseigner à communiquer en langue étrangère, Hachette, Paris.

PUREN C. (1988). Histoire des méthodologies de l'enseignement des langues, Clé International, Nathan, Paris.

ROBERT, J-P, 2002, Dictionnaire pratique de didactique du F.L.E , Ophrys. 



02/11/2016
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