LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

TD

EXERCICES

 

1. Les deux phrases suivantes ont apparemment la même forme. Vous montrerez en vous servant des manipulations adéquates qu’en réalité elles n’ont pas la même structure grammaticale :

a- Paul a trouvé ce problème difficile.

b- Paul a aimé ce problème difficile.

 

CORRECTION :

Le test de la suppression montre que l’adjectif « difficile » ne peut être effacé que dans b.

Le déplacement de « difficile » est impossible dans b, ce qui montre une solidarité forte entre « problème » et « difficile ».

En revanche, dans a, « difficile » peut se déplacer devant la séquence « ce problème » :

Paul a trouvé difficile ce problème.

*Paul a aimé difficile ce problème.

L’insertion d’une proposition relative est possible dans a mais non dans b :

? Paul a trouvé ce problème que le prof a donné, difficile

* Paul a aimé ce problème que le prof a donné, difficile

La pronominalisation contribue encore à distinguer les deux structures :

Paul l’a trouvé difficile (ce problème !).

* Paul l’a aimé difficile (ce problème).

* Paul l’a trouvé (ce problème difficile !).

Paul l’a aimé (ce problème difficile !).

On a ainsi par ces tests identifié clairement que

dans la phrase b l’adjectif « difficile » est épithète,

alors que dans a ce même mot est attribut du complément d’objet.

 

2- Cherchez la catégorie grammaticale de chaque mot de ce poème de Paul Eluard (Capitale de la douleur):

 

Celle qui n’a pas la parole

Les feuilles de couleur dans les arbres nocturnes

Et la liane verte et bleue qui joint le ciel aux arbres,

Le vent à la grande figure

Les épargne. Avalanche, à travers sa tête transparente

La lumière, nuée d’insectes, vibre et meurt.

 

CORRECTION :

En principe il n’y a pas de difficultés majeures. Ce texte est l’occasion de revoir la différence entre article partitif et article contracté (« aux »), ainsi que les degrés de l’adjectif (« la plus belle ») :

-          Celle (pronom démonstratif)

-          qui (pronom relatif)

-          n’ (adverbe de négation)

-          a (verbe)

-          pas (adverbe de négation)

-          la (article défini)

-          parole (nom commun)

-          Les (article défini)

-          feuilles (nom commun)

-          de (préposition)

-          couleur (nom commun)

-          dans (préposition)

-          les (article défini)

-          arbres (nom commun)

-          nocturnes (adjectif qualificatif)

-          Et (conjonction de coordination)

-          la (article défini)

-          liane (nom commun)

-          verte (adjectif qualificatif de couleur)

-          et (conjonction de coordination)

-          bleue (adjectif qualificatif de couleur)

-          qui (pronom relatif)

-          joint (verbe)

-          le (article défini)

-          ciel (nom commun)

-          aux (article contracté)

-          arbres (nom commun),

-          Le (article défini)

-          vent (nom commun)

-          à (préposition)

-          la (article défini)

-          grande (adjectif qualificatif)

-          figure (nom commun)

-          Les (pronom personnel)

-          épargne (verbe).

-          Avalanche (nom commun),

-          à travers (préposition)

-          sa (adjectif possessif)

-          tête (nom commun)

-          transparente (adjectif qualificatif)

-          La (article défini)

-          lumière (nom commun),

-          nuée (nom commun)

-          d’ (préposition)

-          insectes (nom commun),

-          vibre (verbe)

-          et (conjonction de coordination)

-          meurt (verbe).

 

3- La substitution est une manipulation qui consiste à remplacer un mot (ou un groupe de mots) par d’autres mots (ou d’autres groupes de mots) sans changer le contexte d’origine. On obtient un ensemble de mots (ou de groupes de mots) qui partagent une même propriété. C’est ainsi que l’on peut identifier une classe des déterminants. Le déterminant permet au nom commun de fonctionner comme sujet. En vous servant de la phrase suivante :

Le garçon joue.

 

CORRECTION :

Vous listerez l’ensemble des mots qui sont substituables à « le ». A quelles catégories grammaticales traditionnelles correspondent les déterminants ?

Dans cette phrase, seul l’article « le » doit être manipulé. On obtient la liste suivante :

Le, ce, chaque, un, mon, ton, son, notre, votre, leur, aucun (+ ne), nul (+ne), quel, quelque, tel, tout.

La catégorie des déterminants englobe donc :

-          article défini,

-          article indéfini,

-          adjectif possessif,

-          adjectif démonstratif,

-          adjectif interrogatif,

-          adjectif indéfini,

-          adjectifs numéraux « deux, trois garçons jouent »,

-          et l’article partitif (« du pain sera consommé »), catégories qui ne pouvaient être saisies dans le contexte de la phrase testée.

(bibliographie : Jean Claude Chevalier, « Eléments pour une description du groupe nominal, les prédéterminants du substantif », dans la revue Le français moderne n°34 1966)

 

4-Pourquoi dans la phrase suivante le mot « chaud » est-il considéré comme un adverbe ?

En hiver, il faut manger chaud.

 

CORRECTION :

En principe « chaud » est un adjectif qualificatif. Ici on note que la forme « manger chaud » fait de cet adjectif un mot invariable (*manger chaude). C’est cela qui justifie le classement de « chaud » dans la catégorie adverbiale dans le cadre de la grammaire traditionnelle. Pourtant, il existe le mot « chaudement », adverbe de manière qui est formé à partir de « chaud ». Il vaut mieux alors, comme le propose de nombreuses grammaires, parler d’emploi adverbial face à des formes comme « manger chaud », « parler fort », « sauter haut »…

5-Soit le corpus suivant :

1-Marie est fort.

2-Marie parle fort.

3-Marie s’habille fort élégamment

4-Marie est fort sympathique.

5-Cette musique est forte

6-Les soldats se sont réfugiés dans le fort.

Montrez par des manipulations qu’il y a dans ce corpus plusieurs « fort » de catégorie et/ou avec des propriétés différentes.

 

CORRECTION :

La première manipulation à effectuer dans ce cas est celle de l’accord au féminin :

1a-Marie est forte.

2a-*Marie parle forte.

3a-*Marie s’habille forte élégamment

4a-*Marie est forte sympathique.

5a-Ce bruit est fort.

6a-*Les soldats se sont réfugiés dans la forte.

On peut donc répartir en deux les occurrences.

-          Celles qui sont sensibles au genre sont donc des adjectifs (1, 5)

-          ou des noms (6).

On notera que dans le cas de (6), c’est la présence d’un déterminant « le » qui permet d’affirmer une propriété de genre sur l’unité « fort »

Les occurrences (3) et (4) ne diffèrent que par l’observation du mot déterminé. Il s’agit d’un

-          adverbe en (3)

-          et d’un adjectif en (4).

On s’en aperçoit par le biais de la pronominalisation qui montre que les deux termes appartiennent au même groupe :

3b- Marie s’habille ainsi (fort élégamment)

4b-Marie l’est (fort sympathique)

Ce type de terme est appelé adverbe d’intensité par la terminologie traditionnelle.

Le cas de (2) est plus délicat à traiter. Certes, l’accord n’y agit pas. Cependant, contrairement à (3) et (4) le mot « fort » ne détermine pas un autre terme. En outre, le sens est comparable à (5) où « fort » est un adjectif.

La terminologie traditionnelle considère ce type d’occurrence comme des adverbes. Il nous paraît plus juste de considérer qu’il s’agit d’adjectif en position d’adverbe.

6-Identifiez les différents morphèmes de ce corpus de kekchi (langue maya, Guatemala)

1. /tinbeq/ je marcherai

2. /tatbeq/ tu marcheras

3. /ninbeq/ je marche

 

CORRECTION :

(a) D’après 1 et 3, on peut voir que le /t/ et le /n/ initiaux suffisent à marquer le temps, c’est-à-dire respectivement le futur et le présent. Ainsi, on peut déduire que :

- /t/ = marque du futur

- /n/ = marque du présent

(b) En 2, on voit bien que l’hypothèse du /t/ « marque du futur » est corroborée.

(c) En comparant 2 et 3, on constate que /at/ et /in/ s’opposent :

- /at/ marque la personne tu

- /in/ marque la personne je (ce que 1 confirme).

7-Les mots ci-dessous se terminent tous par –ment ; dites lesquels contiennent un morphème ment et lesquels ne sont pas segmentables :

Assortiment, poliment, garnement, reniement, gaiement, règlement, sentiment, remerciement, rapatriement, piment, maniement, joliment, véhément, ciment.

 

CORRECTION :

a) Si on segmente ces mots on obtient :

Assorti-, poli-, garne-, renie-, gaie-, règle-, senti-, remercie-, rapatrie-, pi-, manie-, joli-, ci-.

Mais dans cette liste les unités : garne-, pi-, véhé-, ci- ne sont pas des unités significatives. Dans ce cas le segment « ment » ne peut être considéré comme doté d’une signification autonome.

b) On constate pour les autres termes que l’élément précédent –ment, est soit une base verbale, soit une base adjectivale.

Ces deux constructions correspondent à une différence de sens entre les deux suffixes : « action de V » et « de manière ADJ ».

 


8-Soit une série de verbes commençant par la syllabe dé- :

déboutonner, décorer, détacher, déranger, désamorcer, désapprendre, déjeuner.

Cette syllabe correspond-elle toujours à un préfixe ? Décrivez le fonctionnement de ce préfixe.

CORRECTION :

a) Décorer

Ici « dé » est partie intégrante de « décorer », il n’y a pas de verbe « corer ».

 

b) Déboutonner, détacher, déranger, désamorcer, désapprendre, déjeuner.

Ces verbes peuvent tous être segmentés « dé » + Verbe. Le morphème a alors le sens « inversion du processus ». On remarque deux morphes /de/ et /dez/ en distribution complémentaire selon que la base commence par une consonne ou par une voyelle.

 

c) Déjeuner

« Déjeuner » constitue un cas particulier. Un locuteur français proposera normalement une définition de ce verbe telle que prendre un repas (le matin ou plus sûrement à midi). Mais cette définition synchronique ne tient pas compte du rapport existant en diachronie entre « jeûner » (se priver de nourriture) et « déjeuner » (rompre le jeûne). Ce rapport est perdu pour la conscience linguistique et dé- n’est plus perçu comme une unité significative.

9- Montrer par des manipulations syntaxiques que la phrase suivante est ambiguë.

Je regarde les fleurs du balcon

 

CORRECTION :

Il y a bien deux sens :

-          « je » est sur le balcon et regarde des fleurs qui a priori ne sont pas sur le balcon (sens 1),

-           « je » regarde des fleurs qui se trouvent elles sur le balcon (sens 2).

Le déplacement est possible dans un seul des deux cas.

Du balcon, je regarde les fleurs (= « je » se trouve sur le balcon mais pas les fleurs)

La possibilité de déplacement est un signe d’indépendance entre deux groupes syntaxiques. On remarque que la pronominalisation (qu’on peut renforcer par une dislocation) par le pronom objet « les » ne s’appliquent pas de la même façon. Elle englobe « du balcon » dans le sens 2 et l’exclut dans le sens 1 :

Les fleurs, je les regarde du balcon

Les fleurs du balcon, je les regarde

Dans le sens 2, le groupe « les fleurs du balcon » forme une unité pour laquelle il convient de trouver l’élément hiérarchiquement dépendant. L’effacement montre que c’est le groupe « du balcon » qui est facultatif pour conserver le sens 2 :

Je regarde les fleurs

*Je regarde du balcon (si « je » n’est pas sur le balcon)

La pronominalisation montre en outre que c’est bien le groupe « du balcon » qui a un statut différent. On aura reconnu un complément circonstanciel de lieu pour le sens 1 et un complément du nom pour le sens 2.


 

10-Posez un astérisque devant les phrases agrammaticales :

1- Paul regarde Luc repeindre la maison.

2- Paul le regarde repeindre la maison.

3- *Paul la regarde Luc repeindre.

4- Paul regarde Luc la repeindre.

5- *Paul regarde la maison repeindre Luc.

6- Paul regarde Luc courir.

7- Paul regarde courir Luc.

 

CORRECTION :

Les phrases agrammaticales sont les séquences 3, 5. La phrase 5 peut certes être considérée comme syntaxique mais non sémantique, mais dans ce cas « la maison » serait sujet de « repeindre », phénomène absurde dans notre monde en tout cas ! Une interprétation de 5 avec « Luc » comme sujet est impossible.

En grammaire traditionnelle (mais pas pour de nombreuses théories syntaxiques actuelles), une proposition infinitive n’est possible que si le sujet est réalisé (toutes les phrases du corpus). C’est ce qu’on observe ici.

Que nous enseigne par ailleurs ce corpus ?

-Ce sujet a une position libre (phrases 6,7) si le complément d’objet n’est pas réalisé (phrase 5).

-La pronominalisation du complément d’objet est toujours positionnée sur le verbe à l’infinitif (3 et 4), tandis que le sujet se pronominalise obligatoirement sur le verbe introducteur (2, 8, 9 et 10)



17/04/2016
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