LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

Chapitre 2 : Les formes de l'oral en classe de FLM/FLE/FLS

(Extrait de http://sites.estvideo.net/gfritsch/doc/rezo-cfa-2004.htm)

 

 

 

A. Les formes de l'oral

Oral spontané, oral scriptural et écrit oralisé sont les trois formes de réalisation des interactions verbales. A chacune ses conditions de production propres, à chacune donc ses caractéristiques propres.

1. L’oral spontané

C’est le mode de réalisation de l’oral le plus naturel, celui qui se développe de façon privilégiée dans les interactions de la sphère privée. Il est marqué par des traits spécifiques, qui en font un mode de réalisation de la langue très différent de l’écrit. L’étude de ces traits spécifiques à l’oral spontané, leur présence, de manière plus ou moins perceptible, même dans les oraux scripturaux, devrait être menée avec rigueur parce que cette connaissance explicite est la seule garante de l’attention que pourront porter les élèves à la présence, dans leurs réalisations orales, de ces traits. C’est à partir de cette prise de conscience qu’il sera possible de les amener à développer des compétences caractéristiques de la maîtrise d’un oral plus formel.

Ces traits, les plus caractéristiques de l’oral spontané, ne doivent pas être disqualifiés, perçus comme « somme d’écarts et d’incohérences » et jugés comme des « fautes ». Au contraire, on estime qu’ils dessinent une « grammaire » propre à ce mode de réalisation de la langue.

  

2. L’oral scriptural

Qu’on l’appelle oral formel, oral institutionnel ou oral scriptural ( cette dernière dénomination semble la plus appropriée ), il existe une forme d’oral qui a sa place entre l’oral spontané et l’écrit oralisé. Ce mode de réalisation est celui d’une production langagière très largement privilégiée par l’école, dans la pratique de l’exposé notamment ; la plupart des pratiques « institutionnelles » de l’interaction orale, lors d’une prise de parole en public, lors de réunions, de débats publics par exemple, privilégient également cette forme d’oral. L’oral scriptural présente de nombreuses analogies avec l’écrit. Ses conditions de production, les modalités de sa planification le distinguent nettement de l’oral spontané. Ses caractéristiques lexicales et syntaxiques sont plus ou moins calquées sur celles de structures écrites parce que le locuteur focalise son attention sur le lexique qu’il emploie et qu’il s’attache à produire des « phrases » très proches de celles de l’écrit. L’oral scriptural est donc un parler « contrôlé », qui s’élabore dans un registre cultivé ou académique, et dont l’école, souvent, privilégie la pratique. [...] En fonction des contraintes de la situation, du lieu et de la nature de l’interlocution, de la qualité des interlocuteurs, les caractéristiques formelles et structurelles de l’oral scriptural varieront, comme sur une échelle graduée, tout en conservant cependant, même s’il s’approche au plus près de l’écrit, des traces plus ou moins perceptibles de l’oral spontané. Bernard LAHIRE, pour expliquer la prégnance de cette forme d’oral à l’école, note que : "les pratiques langagières orales ne prennent leur sens [ à l’école ] que si on les rapporte à des formes sociales scripturales, c’est-à-dire des formes de relations sociales qui ont été historiquement rendues possibles par des pratiques de l’écriture, des savoirs scripturaux et le rapport au monde et au langage qui en est indissociable". C’est pourquoi les élèves issus de milieux défavorisés, qui ont fréquemment un rapport plus immédiat et plus « pratique » à la langue orale, rencontrent, dans ce domaine, de fortes difficultés à l’école. "Pour favoriser la réussite scolaire des élèves habituellement exclus du système éducatif, il importe de travailler avec eux la diversité des oraux, en les mettant en position de pratiquer à l’école à la fois l’oral pratique conversationnel qui leur est familier et l’oral scriptural privilégié par l’école"

  

3. L’écrit oralisé

Point n’est besoin de décrire outre mesure ce type d’oral. En effet, il s’agit toujours d’un texte écrit « mis en voix », qu’il soit lu ou restitué après mémorisation. Les activités de lecture et de récitation seront donc, à l’école, celles qui privilégient ce mode de réalisation orale ; les compétences liées à la maîtrise de la voix en relation avec la production de sens seront au cœur des apprentissages à réaliser.

Cependant, il convient de signaler - pour s’en préserver - la dérive fréquente de certains oraux scolaires vers des écrits oralisés ; ainsi de l’exposé, très fréquemment rédigé in extenso, et lu par les élèves devant leurs condisciples, alors que sa pratique devrait donner lieu à un apprentissage de la production d’un oral scriptural à partir de notes ou d’un canevas écrits qui doivent servir uniquement de points d’appui.

 

B. Typologies des interactions et genres oraux  

Comme pour les textes écrits, il existe de nombreuses typologies de l’oral. Parce qu’elle est étroitement liée aux pratiques sociales de référence, nous avons pris le parti de privilégier celle qui est proposée par Robert VION . Il a regroupé tous les « types » d’interactions verbales en fonction de leurs caractéristiques génériques : le type d’oral considéré correspond-t-il à une pratique sociale de référence, est-il marqué par un échange entre interlocuteurs, le caractère de l’échange est-il formellement défini ?... En prenant également en compte les pratiques scolaires de l’oral, en les mettant en relation avec les pratiques sociales de référence, on peut, à la suite de cet auteur, proposer la typologie des interactions suivante :

Type d’interaction

Équivalent scolaire

Échanges

Caractère

Écrits associés

Allocution

Récitation, lecture

non

très formel

texte, notes

Conférence

cours, exposé

non

très formel

texte, notes...

Témoignage

récit

non

formel

-

Consultation

questions/réponses

oui

formel

-

Conversation

-

oui

informel

-

Débat

débat

oui

formel

notes, documents

Discussion

discussion

oui

formel

notes, documents

Dispute

-

oui

informel

-

Enquête

questions/réponses

oui

formel

questionnaire

Entretien

-

oui

informel

trame

Transaction

négociation

oui

formel

-

  

L’un des avantages de cette typologie par rapport à l’approche, plus restrictive quant aux genres à aborder en classe, de B. SCHNEUWLY & J. DOLZ est qu’elle permet de mettre en relation pratiques sociales et scolaires, en montrant l’analogie de forme et de fond entre certaines d’entre elles, la conférence et l’exposé, par exemple. En ce sens, elle ne coupe pas les pratiques scolaires des pratiques sociales et elle permet, entre autres, de mesurer la nature de la transposition didactique opérée entre deux types d’oraux analogues.

Un autre avantage est qu’elle permet, d’emblée, de « penser » l’oral à la fois en termes de typologie générique ainsi que de similitude générique. Un « genre » d’interaction verbale comme l’entretien permet de rendre compte de sous-genres discursifs différents, mais qui se trouvent ainsi typologiquement unifiés : l’interview journalistique, l’entretien littéraire, l’entretien d’embauche présentent en effet des similitudes formelles indéniables. Il en va de même pour l’allocution officielle (le discours) et la récitation ou la lecture de telle page littéraire, en ce sens qu’elles sont foncièrement des écrits oralisés, même si, par ailleurs, leurs visées communicatives sont différentes.

Plusieurs raisons plaident pour une approche plus résolument générique dans l’enseignement de l’oral. En effet, dans ce domaine comme dans celui de l’écrit, ce sont les genres qui, en tant que formes relativement stables, déterminent les représentations « de haut niveau » liées aux textes que construisent les individus. Ce sont ces représentations qui assurent la possibilité de la communication par la reconnaissance des règles, plus ou moins codifiées, qui caractérisent un genre. " Les genres du discours organisent notre parole de la même façon que l'organisent les formes grammaticales... Si les genres n'existaient pas et si nous n'en avions pas la maîtrise... l'échange verbal serait quasiment impossible".

Pour autant, les genres oraux qui doivent faire l’objet d’un enseignement/apprentissage à l’école sont essentiellement ceux qui rythment la vie sociale et publique : débat, discussion, négociation, témoignage, entretien… ; naturellement les genres plus spécifiquement scolaires - exposé, récit, débat, lecture et récitation - seront nécessairement abordés parce que, d’une part, ils sont en eux-mêmes des vecteurs d’apprentissages dans la plupart des disciplines et, d’autre part, parce qu’ils constituent souvent des cadres d’évaluation pour d’autres compétences. Les interactions verbales plus spontanées qui apparaissent dans la sphère familiale - conversation notamment - trouvent, quant à elles, moins de légitimité à être abordées dans le cadre scolaire.

L’approche de l’oral par les genres présente cependant une difficulté qu’il convient de ne pas négliger. Chaque genre peut se subdiviser en de nombreux sous-genres, ce qui rend malaisée une exploitation scolaire rationnelle. Ainsi de l’interview journalistique, qui est considérée comme un sous-genre du genre plus général « entretien », pour laquelle on a pu recenser douze formes différentes : interview portrait, interview informative, interview de fond (d’opinion), interview express, etc. . Les compétences liées à la gestion de l’échange, aux modes de l’interaction, aux compétences langagières spécifiques seront certainement différentes dans chaque situation.

D’autre part, il est rare qu’une interaction verbale soit typologiquement homogène. Comme on peut également le constater dans les textes écrits, une interaction verbale « glisse » fréquemment d’un genre à l’autre, d’une conversation relativement informelle à un échange plus structuré par exemple, ou inversement.

  



08/07/2018
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