LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

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Chapitre D : Le cognitivisme

Cognitivisme

 

Les tenants du behaviorisme se sont principalement intéressés à ce qui est « observable », en l'occurrence aux « comportements » qui peuvent être observés, analysés et modifiés. La "boîte noire" (l'esprit) est occultée parce que non observable. D'autres théoriciens s'opposeront à cette conception. Ils s'intéresseront particulièrement au fonctionnement de l'esprit par rapport à l'appropriation des connaissances et à la perception des nouvelles informations. C'est le cas des tenants du cognitiviste. Ceux-ci s’intéressent au traitement en mémoire, au rôle de la perception, au fonctionnement de l'intelligence, aux origines de nos connaissances et aux stratégies employées pour les assimiler. Autant de concepts que nous expliciterons dans ce cours. Commençons par une brève définition du cognitivisme.

 

1-Qu’est-ce que le COGNITIVISME?

Le cognitivisme est une théorie psychologique qui s'inspire, entre autres, du domaine de l'informatique et du modèle de fonctionnement des ordinateurs quant au traitement et à l'organisation des informations. Celle-ci conçoit "l'esprit […] selon un modèle computationnel : nous pensons "comme" des ordinateurs notre esprit est une "machine", un ensemble de processus capables de traiter des informations selon une logique booléenne"[1]. Le cognitivisme conçoit donc le travail de la pensée comme un processus de traitement de l’information.

 

2. Apprendre dans une perspective cognitiviste

La psychologie cognitive a un impact très important sur la conception même de l’apprentissage, sur l’enseignement, sur la définition que l’on se fait des connaissances et des stratégies pour les acquérir et enfin sur le rôle des acteurs (enseignant et apprenant) mais aussi sur l’évaluation.

 

2.1 Le traitement des informations

 a- Liens entre nouvelles et anciennes informations

L’établissement de liens entre nouvelles informations (connaissances) à celles déjà organisée (antérieures). D'où l'importance de mobiliser les connaissances antérieures pour découvrir et asseoir les nouvelles et les intégrer en mémoire précisément dans la mémoire à long terme. Ces liens s’opèrent selon deux modes, le réseau sémantique et le schéma.

 

Le réseau sémantique représente les liens, associations et relations qui peuvent exister entre les significations des mots ou des concepts. Dans la mémoire à long terme, tout nouveau savoir vient se lier par maillage en association avec les connaissances antérieures.

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Les schémas correspondent à des scripts, des scénarios, des modèles qui servent à catégoriser et gérer l’information. Les schémas, stockés en mémoire à long terme, permettent d'analyser, de sélectionner, nous aident à organiser nos connaissances par rapport à une situation donnée, à des phénomènes, des évènements, des objets et même des personnes. Il sert à catégoriser, organiser la réalité, à la scénariser, à la mettre en ordre et anticiper les actions à réaliser.

 

Nous apprenons donc en intégrant ou liant des connaissances nouvelles à des anciennes, par association, assimilation, parenté, contiguïté, etc. Si ce processus d’établissement de liens entre anciennes et nouvelles informations n’est pas effectué, il n’y a pas d’apprentissage ;

 

b-      Le rôle de la mémoire

Le cognitivisme en s’intéressant au mode de traitement des connaissances va s’intéresser de fait au fonctionnement de la mémoire. Il existe plusieurs modèles de structuration et de fonctionnement de la mémoire dans les travaux en psychologie cognitive. Ces modèles partagent essentiellement les mêmes caractéristiques. Nous distinguons dans ce cours trois types de mémoire.

La mémoire sensorielle

La mémoire sensorielle est la capacité à encoder, entreposer et récupérer les informations provenant de son environnement par les organes sensoriels. Ce type de mémoire ne dure que d'une fraction de seconde à quelques secondes. En effet, si on prend une photo et que le flash est utilisé, la lumière de celui-ci sera transformée en influx nerveux et entreposée pendant une fraction de seconde. Parfois, l’activité nerveuse dure plus longtemps que le stimulus lui-même. Le flash en est un parfait exemple. On est éblouis pendant quelques secondes après le flash même si le stimulus est disparu. Après ces quelques secondes, qu’arrive-t-il à cette information ? La première possibilité est qu’on l'oublie simplement. Elle peut être considérée comme inutile et, par conséquent, est rejetée. La deuxième option serait qu'elle soit transférée à la mémoire à court terme. L’habileté à rejeter des informations est très importante pour notre santé mentale. Sans cette habileté, écouter un film serait une tâche insurmontable. Les images devraient être analysées et emmagasinées, ce qui créerait une surcharge dans notre cerveau.

La mémoire à court terme ou la mémoire de travail

La mémoire sensorielle est très efficace pour traiter des informations rapidement. Par contre, elle ne retient pas l’information plus de quelques secondes. C’est là que la mémoire à court terme entre en jeu. Si l’information est considérée comme utile, elle sera emmagasinée dans la mémoire à court terme. Cette dernière est souvent appelée la mémoire de travail, car c’est à cette étape que s’effectue le travail pour emmagasiner l'information à long terme. Il faut toutefois tenir compte du fait que cette mémoire a une capacité limitée. En effet, l'étude faite par Ebbinghaus en 1885 a démontré que l’être humain peut retenir en moyenne de 5 à 9 informations non significatives. Si elles sont considérées comme utiles, elles seront envoyées à la mémoire à long terme. Sinon, une partie de l’information sera oubliée pour faire place à une autre. Gagné considère que la mémoire de travail est le « goulot » du système humain de traitement de l’information c’est dire sa très grande importance dans les activités d’enseignement et d’apprentissage. Certains parlent de mémoire à court terme, ils insistent alors sur la durée des informations dans cette mémoire ; d’autres parlent de mémoire de travail et veulent ainsi insister sur le traitement même de l’information. C’est l’enseignant qui, en fonction de son objectif oriente la mémoire de travail de l’élève vers ce qui lui semble important pour éviter la surcharge cognitive.

La mémoire à long terme

La mémoire à long terme est la mémoire traitant les informations en provenance de la mémoire à court terme. Ce type de mémoire a une durée de rétention allant de quelques minutes à des années. C’est ce qui nous permet de voir une continuité dans notre vie., de se rappeler de connaissances apprises ou d’habiletés développées lors de notre existence. La mémoire à long terme diffère à deux endroits de la mémoire à court terme. Pour commencer, elle peut emmagasiner un nombre illimité d’informations. En effet, nous n’avons jamais rencontré de barrière chez quelqu’un l'empêchant de mémoriser de nouvelles informations, excepté certaines maladies neurodégénératives. Par contre, l’exactitude de l’information est beaucoup moins précise que dans la mémoire à court terme. Plus le souvenir est lointain,  plus il est difficile de se rappeler de l'information avec exactitude. Quand un souvenir est situé dans la mémoire à long terme, il a deux chemins possibles. L’information peut être oubliée ou récupérée. Si elle est récupérée, c’est qu’elle a passé par le procédé de la récupération. Un élément entreposé dans la mémoire à long terme peut être utilisé par la mémoire à court terme comme un souvenir de son enfance. Nous prenons l’information stockée dans la mémoire à long terme et nous récupérons le souvenir. À ce moment, il peut y avoir un oubli partiel de l’information ou la remise de celle-ci dans la mémoire à long terme.

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Modèle à trois paliers de la mémoire

 

2.2 Les stratégies cognitives et métacognitives

Pour résoudre apprendre, un individu choisit consciemment ou inconsciemment un type de processus cognitif : les stratégies. D’après O’Malley et Chamot (1990: 1) il s’agit de manières spéciales de traiter l’information qui assurent la compréhension, l’apprentissage, ou la conservation des informations. Ces auteurs distinguent entre autre deux grandes catégories:

Stratégies métacognitives

Les stratégies métacognitives ont trait à la planification, surveillance ou évaluation du succès de l’apprentissage (1990 : 44) et sont identifiées par O’Malley et Chamot comme suit:

  • L’anticipation ou la planification
  • L’attention générale
  • L’attention sélective
  • L’autogestion 
  • L’autorégulation
  • L’identification d’un problème
  • L’autoévaluation.

Stratégies cognitives

Les stratégies cognitives se manifestent directement sur l’information entrante, les auteurs répertorient les stratégies cognitives suivantes:

  • La répétition
  • L’utilisation de ressources
  • Le classement ou le regroupement
  • La prise de notes
  • La déduction ou l’induction
  • La substitution
  • L’élaboration
  • Le résumé
  • La traduction
  • Le transfert
  • L’inférence (deviner intelligemment). 

 

 

2.3 Répartition des rôles

  • Rôle de l'enseignant

L’enseignant intervient pour guider les apprenants. Cette intervention se fait par des questions, des consignes, des explications et des réponses aux questions des élèves. Il devient alors un entraîneur, un médiateur entre les connaissances et les élèves. Il faut varier ses stratégies, ses techniques afin que l’enseignement / apprentissage puisse couvrir tous les types de connaissances et pour prendre en compte les caractéristiques de ses élèves.

L'enseignant intervient fréquemment

L'enseignant est un entraîneur

L'enseignant est un médiateur entre les connaissances et l'élève

 

  • Rôle de l'apprenant

L’apprenant est actif, constructif, c’est dire qu’il conçoit, intègre et réutilise des connaissances. Il a besoin d’être aidé pour arriver à une stratégie efficace de traitement d’information. L’approche est alors constructiviste et procède par la mobilisation de compétence

L'apprenant est actif

L'apprenant est constructif

L'apprenant a une motivation en partie déterminée par la perception de la valeur de la tâche et du contrôle qu'il peut avoir sur sa réussite.

2.4 Avantages et limites du cognitivisme:

La pédagogie cognitiviste est fondée sur l’appropriation graduelle et effective de stratégies mentales (stratégies cognitives et métacognitives) jugées nécessaires à une démarche structurée d’apprentissage. Les processus de structuration jouent un rôle central dans l’apprentissage. Il est essentiel de prendre en compte ce que l’apprenant connaît déjà : rappel des pré-requis dans la mesure où les connaissances nouvelles sont intégrées à celles que l’étudiant maîtrise déjà. Une bonne structuration des connaissances facilite la rétention de l’information. Par exemple, les schémas ou graphiques, présentés en début d’apprentissage, facilitent la mise en relation et le codage des éléments qui feront l’objet de l’apprentissage ainsi que le lien avec les éléments déjà maîtrisés, disponibles dans la structure cognitive de l’individu. La théorie cognitiviste comporte toutefois une limite importante, liée au fait qu’un matériel bien structuré ne suffit pas pour assurer un apprentissage, il faut aussi que l’étudiant ait le désir et la motivation d’apprendre. De ce fait, les aspects affectifs (motivation, intérêt, buts poursuivis) jouent un rôle important puisqu’ils fournissent l’énergie nécessaire pour effectuer les apprentissages.

 

Conclusion

La psychologie cognitive a eu un impact très important sur la conception même de l’apprentissage et donc de l’enseignement mais aussi sur la définition que l’on se fait des connaissances et des stratégies pour les acquérir et enfin sur le rôle des acteurs (enseignant et apprenant) mais aussi sur l’évaluation. L’enseignement de stratégies cognitives et la mise en place d’interventions pédagogiques supportant une conception dynamique de l’intelligence permettent aux élèves de développer leurs processus métacognitifs (métacognition). Toutefois, cette théorie du fait, sans doute, qu'elle soit plus focalisée sur le traitement de l'information se vera dépasser par d'autres théories d'apprentissage.

 

Bibliographie

TARDIF, Jacques, Pour un enseignement stratégique. L'apport de la psychologie cognitive, Montréal, Les Éditions Logiques, 1992, 474 p

R. Gagné (1968). Learning hierarchies. Educational Psychologist, 6, 1-9./ . Gagné, R.M. (1965). The Conditions of Learning. New York: Holt, Rinchart and Winston.

Gagné, E. D. (1985). The cognitive psychology of school learning. Boston, MA: Little, Brown and Company./ Learning outcomes and their effects. Amer. Psychol. 39:377-85, 1984

O'Malley, J.M. et Chamot, A.U. (1990) Learning strategies in second language acquisition. Cambridge: Cambridge University Press.

 

 

 

 


[1] "L'idéologie cognitiviste et l'éducation" Pour un enseignement stratégique l'apport de la psychologie cognitive. Québec, Éditions Logiques, 1992.

 



29/11/2018
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