LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE

Chapitre 4 : La méthodologie audio-orale

La méthodologie audio-orale naît au cours de la deuxième guerre mondiale pour répondre aux besoins de l’armée américaine de former rapidement des gens parlant d’autres langues que l’anglais. On a alors fait appel au linguiste Bloomfield qui va créer “la méthode de l’armée”. Cette méthode a provoqué un grand intérêt dans le milieu scolaire. C’est dans les années 1950 que des spécialistes de la linguistique appliquée comme Lado, Fries, etc. ont créé la méthode audio-orale (MAO), en s’inspirant  des principes de la méthode de l’armée.  Le but de la MAO était de parvenir à communiquer en langue étrangère, raison pour laquelle on visait les quatre habiletés afin de communiquer dans la vie de tous les jours. Cependant, on continuait à accorder la priorité à l’oral. On concevait la langue comme un ensemble d’habitudes, d’automatismes linguistiques qui font que des formes linguistiques appropriées sont utilisées de façon spontanée. La période de la méthodologie audio-orale prend fin entre les années 1960 et les années 1970 à cause de ses limites sur le plan didactique. Pour C. Puren la MAO américaine, comme la méthodologie directe française, un demi-siècle plus tôt, a été créée en réaction contre la méthodologie traditionnelle dominante aux USA à cette époque.
 

1. Hypothèses ou théories de références

Sur la langue :

Description linguistique: distributionalisme, la MAO s’appuyait sur la linguistique structurale distributionnelle principalement sur les travaux d’analyse distributionnelle des disciples de Bloomfield: la langue est une combinatoire d’unités discrètes qui joue sur l’axe paradigmatique et syntagmatique.

Le terme de structuralisme trouve son origine dans le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure (1916), qui propose d'appréhender toute langue comme un système dans lequel chacun des éléments n'est définissable que par les relations d'équivalence ou d'opposition qu'il entretient avec les autres, cet ensemble de relations formant la structure. C'est le début de la linguistique appliquée « c’est au linguiste que le pédagogue s’ adresse pour établir des descriptions, conduire des analyses » (F. Réquédat,1966).

Nature de la langue :

Langue orale car pour les structuralistes le langage est d’abord oral. Les 4 compétences sont couvertes mais priorité à l’oral, un oral transcrit.

Sur la psychologie d’apprentissage

La MAO s’appuyait également sur la psychologie béhavioriste, créée initialement par J. B. Watson et développée postérieurement par B. F. Skinner. Le langage, selon cette théorie, n’était qu’un type de comportement humain observable et son schéma de base était le réflexe conditionné : stimulus-réponse-renforcement. Les réponses déclenchées par les stimulus étaient supposées devenir des réflexes, c’est-à-dire des acquis définitifs. C’est pourquoi le laboratoire de langues va devenir l’auxiliaire privilégié de la répétition intensive car il faciliterait  la mémorisation et l’automatisation des structures de la langue. Cette psychologie conçoit l’apprentissage d’une langue comme quelque chose de mécanique.

Sur la conception de civilisation/culture

La place de la culture étrangère est très importante mais elle est introduite comme une cause d’erreurs de compréhension. Aussi la M.A.O. développe-t-elle un projet de comparatisme culturel mettant l’accent sur les différences dans les façons de vivre.

 

2. Contenu

Présentation de la langue

La langue est présentée à travers des dialogues fabriqués : support clé de la MAO.

Accès au sens de la langue cible :

Comme on ne considérait pas le niveau sémantique, la signification n’occupait pas une place prioritaire en LE. C’est pourquoi le vocabulaire était relégué au second plan par rapport aux structures syntaxiques. Les habitudes linguistiques de la LM étaient considérées principalement comme une source d’interférences lors de l’apprentissage d’une LE ; afin de les éviter, il était recommandé d’utiliser la LE en classe (Illustrations et gestes).

Enseignement de la grammaire :

La grammaire est enseignée d’une manière inductive. Ceci explique que les exercices structuraux (pattern drills, tables de substitutions, tables de transformations) proposaient aux apprenants d’effectuer, sur les structures introduites en classe, les deux manipulations de base : la substitution des unités de la phrase  ou  la transformation d’une structure à une autre (affirmative/négative, déclarative/interrogative, voix active/passive).

Il s’agissait donc d’exercices de répétition ou d’imitation à partir desquels les apprenants devaient être capables de réemployer la structure en proposant de nouvelles variations paradigmatiques ou syntagmatiques. Ils visent la maîtrise exact des schémas syntaxiques.

Le contenu grammatical tient compte des difficultés mise en évidence par l’analyse contrastive de L1 et L2. L’acquisition d’une langue seconde est déterminée par les structures formelles et sémantiques de la langue qu’on possède déjà. Les structures de la langue cible qui coïncident avec celles de la langue première seraient acquises facilement. On parle alors de transfert positif. Les domaines où les deux langues divergent seraient sources de difficultés ou d’erreurs. Il y aurait alors transfert négatif, c-a-d interférences entre L1 et L2.

Enseignement du lexique:

Le contenu lexical des dialogues est soigneusement délimité par des listes de fréquences et le vocabulaire secondaire par rapport aux structures syntaxiques est étudié en contexte limité à la phrase.

Progression adoptée :

Progression step by step pour éviter les fautes.

Schéma de classe

Ecoute d’un dialogue élaboré autour des structures clés ( L'enseignant lisait un dialogue simple. Il aidait à la compréhension par l’intonation, les gestes et expressions du visage, après deux ou trois lectures.)

Répétition individuelle puis collective ligne par ligne du dialogue (Les apprenants commençaient à répéter en choeur après lui, phrase par phrase. On leur faisait alors passer une feuille de textes et la répétition en choeur ou en équipe reprenait. Les fautes de prononciation étaient corrigées.)

Mémorisation du dialogue (Une série d’expressions ou de mots essentiels tires dans leur ordre du dialogue que les apprenants ont simultanément commencé à apprendre en différents coins de la classe, mais ils étaient obligé d’écouter avec attention et de parler fort, si bien que les apprenants commencent à improviser des variations sur ce dialogue dont les phrases essentielles étaient utilisées couramment et par coeur.)

Les structures constituant l’objet de l’unité sont travaillées sous forme d’exercices structuraux

Production écrite, lecture.

Révision des structures clés au laboratoire de langue et travail sur la compréhension d’autres dialogues au contenu sémantique et à la syntaxe proche du dialogue-support de l’unité.

 

3. Relations pédagogiques

Rôle de l’enseignant

Utilise la langue cible pour communiquer

Sert de modèle de prononciation

Dirige et guide le comportement linguistique des apprenants

Corrige la prononciation des apprenants et diriger la communication en classe 

Rôle de l’apprenant :

Imite l'enseignant ou la bande magnétique 

Réemploie la structure en proposant de nouvelles variations paradigmatiques si bien que les apprenants découvraient la règle. 

Mémorise le vocabulaire  élémentaire et limité par des dialogues simples

Réagit aux directives de l'enseignant

Répond aux questions de l'enseignant 

Interactions :

Apprenants/enseignants: Il y a interaction entre l'enseignant et les apprenants, ainsi qu'entre apprenants (questions/réponses) mais suivant les directives de l''enseignant.

Activités d’enseignement :

Exercices structuraux, la plupart du temps non situationnels

Traitement de l’erreur:

L'erreur, tant de prononciation que de structure, n'est pas tolérée. Elle doit être même anticipée, par l'analyse contrastive de la L1 et de la L2. La correction des erreurs est l'un des rôles principaux de l'enseignant de L2.

4. Evaluation de la méthodologie

Aspect positif

Métalangage réduit ce qui rend la langue accessible au plus grand nombre.

Aspects négatifs

Efficacité limitée au début de l’apprentissage
Le vocabulaire et la prononciation sont mis de côté pour la structure syntaxique, afin de bien communiquer et de bien formuler les phrases, bien que ce soit dit incorrectement. Elle ne développe aucune stratégie particulière pour le problème de l’enrichissement lexical  de l’enseignement/apprentissage de la CE/PE. Les apprenants sont incapables de produire les sons dans une langue particulière.
La progression grammaticale step by step n’empêche pas les erreurs
A l’enthousiasme pour les exercices structuraux a succédé la déception. Les exercices ennuyaient les élèves, les démotivaient et le passage du réemploi dirigé au réemploi spontané ne se faisait que rarement. La répétition constante devient ennuyante chez les élèves. De plus, il y a très peu d’opportunité chez les élèves de pouvoir mettre leurs connaissances en pratique, car il est impossible de simuler une conversation naturelle avec cette méthodologie.
Le sur-apprentissage des structures n’implique pas une maîtrise linguistique dans les énoncés spontanés.
D’un autre côté, la grammaire générative-transformationnelle chomskyenne s’est attaquée au structuralisme linguistique bloomfieldien en lui reprochant de ne s’intéresser qu’aux phénomènes de surface et de négliger les structures profondes de la langue. Pour les générativistes, apprendre une langue ne consisterait pas seulement à acquérir « un simple système d’habitudes qui seraient contrôlées par des stimulus de l’environnement » mais à assimiler « un système de règles qui permet de produire des énoncés nouveaux et de comprendre des énoncés nouveaux ».
 


13/02/2018
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